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Dino Risi, «I Mostri»

Par Lionel Gerin : Professeur d'anglais et cinéphile - Lycée Ampère de Lyon
Publié par Damien Prévost le 11/01/2013
Cette page propose une critique du film ((I Mostri)), réalisé par Dino Risi sur un scénario de Valério Zurlini.

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1963. I Mostri, Les Monstres. Dino Risi, dans sa période la plus faste (il vient de tourner Il Sorpasso, Le Fanfaron). En vingt tableaux, Risi réinvente la comédie à l'italienne. Critique sociale, film politique, caricature?

D'abord et avant tout du cinéma. Un noir et blanc en cinémascope. Deux acteurs d'exception. Une écriture concise qui fait mouche. Une cruauté jubilatoire.

Tout y passe: la politique, la religion, la justice, la police, le sport, les classes dirigeantes, les pauvres, le cinéma, la famille. Que sauver dés lors dans cette monstruosité générale? Le rire, la vitalité, la lucidité, bien sûr, et le talent. On se prend à rêver au même talent, à la même lucidité appliqués à l'Italie d'aujourd'hui.

Cela commence par un père, jovial, sympathique, et aussi voleur, tricheur, resquilleur. Mais l'on n'est père que si l'on a un fils. Et ce fils suit si bien les conseils qu'il reçoit, qu'il va tuer le père et le voler. Et c'est drôle et féroce, drôle parce que féroce. Nul besoin de convoquer les mythes ou Freud pour savoir que le meurtre du père, surtout en préambule, ne saurait être innocent. C'est le moins que l'on puisse dire. On peut par contre convoquer la mémoire d'un autre fils, d'un autre père, d'un autre vol, de bicyclette celui-là, car Risi connaît ses maîtres, j'allais dire ses pères.

Cela continue par une galerie de monstres, tellement humains, le grand cirque de Risi, fascinant et irrémédiable.

Cela finit par un boxeur, et un spectateur, sonné. Conte cruel de nos petitesses. Et sous ce vitriol, la chair brûlée des hommes, ce qu'il reste de nous sur les plages quand tout nous a quitté, le cerf-volant de l'enfance, l'eau salée de la mélancolie.

L'Italie de 1963 pourrait donc ne sembler aucunement désirable, vouée au machisme, à la veulerie généralisée. Monstrueuse donc? Peut-être mais comme le dit Orson Welles dans "Le troisième homme" de Carol Reed :"En Italie pendant trente ans sous les Borgia, il y avait la terreur, la guerre, des effusions de sang et des empoisonnements. Mais cela a donné Michel-Ange, Léonard de Vinci et la Renaissance. En Suisse, il ya eu cinq cents ans d'amour fraternel, de démocracie et de paix. Qu'a produit tout cela? Des coucous."

Ce serait aussi oublier les cinéphiles, car cette même année Fellini tournera Huit et demi, et Visconti Le Guépard.

Ces films, comme ceux de John Ford, nous donnent peut-être la nostalgie de pays qui n'existent pas, et qui s'appelleraient le cinéma.

 

Pour citer cette ressource :

Lionel Gerin, "Dino Risi, «I Mostri»", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), janvier 2013. Consulté le 19/03/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/italien/arts/cinema/dino-risi-i-mostri