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«Printemps barbare» de Hector Tobar

Par Caroline Bojarski : Titulaire d'un Master 2 Pro (Traduction littéraire et édition critique) - Université Lumière Lyon 2
Publié par Christine Bini le 08/11/2012

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Grâce à ce premier roman, Hector Tobar (journaliste américain d'origine guatémaltèque) s'est fait une place parmi les grands écrivains nord-américains actuels. À travers l'histoire apparemment banale d'une employée mexicaine, il dépeint la Californie d'aujourd'hui en se penchant sur l'immigration mexicaine, la justice américaine, l'engagement politique ou encore les médias de masse. Le tableau dressé n'est pas cynique, ironique ou accusateur, car la polyphonie est maîtresse du roman. Avec ses quatre cent pages, ce roman en impose, impressionne, mais il abrite en réalité une grande histoire, une extraordinaire aventure, car les personnages y sont nombreux et charismatiques. Araceli s'impose comme une grande figure dont la destinée n'était pas toute tracée et qui, finalement, prend petit à petit l'étoffe d'une héroïne des temps modernes.

Héctor Tobar, Printemps barbare, Belfond, Paris, 2012, 469 pages. [The barbarian nurseries] Traduit de l'américain par Pierre Furlan.

tobar_1352403610629.jpgC'est dans la banlieue huppée de Los Angeles, au Paseo Linda Bonita, que vit la famille Torres-Thompson. Elle incarne la réussite sociale à l'américaine, l'american dream, ayant rejoint par le biais du travail, de l'esprit d'entreprendre et des affaires, les quartiers sécurisés et tranquilles du bord de mer californien. Avec leurs trois enfants, Scott et Maureen forment une famille modèle, comme celles des séries américaines que nous connaissons bien. Scott est programmateur dans une entreprise où il gagne beaucoup d'argent et Maureen est une femme au foyer qui donne aussi bénévolement des cours d'art dans l'école privée de ses garçons. Bien évidemment, comme beaucoup de familles californiennes, les Torres-Thompson ont des  domestiques. Enfin, avaient, car en raison de mauvais placements effectués par Scott, le chef de famille, ils ont dû revoir leurs dépenses à la baisse et licencier deux de leurs trois employés mexicains : Pepe, le jardinier, et Guadalupe, la bonne d'enfants. Dorénavant, Scott devra lui-même tondre la pelouse – ce qui n'est visiblement pas son fort – et Maureen faire des efforts pour que ses enfants ne passent pas toutes les grandes vacances scotchés à des jeux vidéo (à l'image de leur père) mais acceptent de pratiquer avec elle des activités créatives et ludiques.

Ce que voulait Maureen, la seule chose qu'elle était certaine de vouloir, c'était d'introduire le bien et le beau dans la vie de sa famille.

Heureusement, la dernière de leurs employés est encore là, il s'agit d'Araceli Noemi Ramírez, une femme aux formes généreuses, peu aimable, mais dont le travail au sein de la maison les remplit d'admiration. À la maison, la famille l'appelle d'ailleurs Madame Bizarre, car parfois il lui arrive de ne pas répondre quand on lui dit bonjour. Mais pour nous, qui la connaissons un peu mieux que ses jefes norteamericanos, Araceli est une femme pleine de rêves, une femme qui en retournant dans sa chambre, le soir, s'adonne à sa passion : l'art. Quand Scott et Maureen disparaissent de la maison sans explication ni avertissement à la suite d'une dispute, Araceli se retrouve avec les deux garçons, dont elle ne s'est jamais vraiment occupée. Les nuits passent et Araceli décide d'emmener les enfants chez leur grand-père, dont l'adresse figure au dos d'une vieille photographie posée dans le salon de la maison des Torres-Thompson. S'ensuit alors un périple à travers les différents quartiers de Los Angeles à la recherche de cet abuelo, symbolisant aux yeux d'Araceli la solution évitant aux enfants de finir à la protection de l'enfance et lui permettant de ne pas continuer à dormir sur le plancher du couloir, en attendant le retour des parents.

Araceli appréciait sa solitude, son sentiment  d'être à l'écart du monde, et elle aimait penser à son travail auprès de la famille Torres-Thompson comme une sorte d'exil qu'elle s'était imposé pour s'éloigner de la vie devenue sans but qu'elle avait mené à Mexico. Mais de temps à autre, elle aurait voulu partager les plaisirs de cette solitude avec quelqu'un, sortir de l'existence silencieuse qui était la sienne en Californie, entrer dans l'une de ses autres vies, celles qu'elle explorait dans ses rêves (…).

Grâce à ce premier roman, Hector Tobar (journaliste américain d'origine guatémaltèque) s'est fait une place parmi les grands écrivains nord-américains actuels. À travers l'histoire apparemment banale de cette employée mexicaine, il dépeint la Californie d'aujourd'hui en se penchant sur l'immigration mexicaine, la justice américaine, l'engagement politique ou encore les médias de masse. Le tableau dressé n'est pas cynique, ironique ou accusateur, car la polyphonie est maîtresse du roman. Avec ses quatre cent pages, ce roman en impose, impressionne, mais il abrite en réalité une grande histoire, une extraordinaire aventure, car les personnages y sont nombreux et charismatiques. Araceli s'impose comme une grande figure dont la destinée n'était pas toute tracée et qui, finalement, prend petit à petit l'étoffe d'une héroïne des temps modernes.

 

Pour citer cette ressource :

Caroline Bojarski, "«Printemps barbare» de Hector Tobar", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), novembre 2012. Consulté le 28/03/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/espagnol/litterature/litterature-latino-americaine/bibliotheque/printemps-barbare