Vous êtes ici : Accueil / Langue / Langue arabe / L'Arabe globalisé

L'Arabe globalisé

Par Sylvie Chraïbi : enseignante- Chercheuse - ENC Paris. Lab.CLESTHIA. Sorbonne Nouvelle
Publié par Faten Ajmi le 26/02/2021

Activer le mode zen

Considérant l’évolution des modes de communication via internet d’une part, et le statut de la langue arabe comme langue officielle et de travail dans les organisations internationales et régionales (ONU et instances affiliées, Ligue arabe, OCI, OUA…) d’autre part, nous avons souhaité mettre au jour les traits saillants des usages de la langue arabe dans ce contexte de globalisation des échanges. Dans la continuité de son caractère pluriglossique historique, il semble en effet qu’un nouveau registre de langue se manifeste et s’installe, lié à la mondialisation et à la généralisation du plurilinguisme sur le web. Différent de la langue standard, l’arabe fuṣḥā, des dialectes et même de l’arabe médian, pourtant largement véhiculé par les médias, il s’imprègne des courants intellectuels et politiques actuels, des mouvements sociaux, des aspirations identitaires exprimées dans les espaces publics, réels et virtuels. À un niveau graphique, l’arabe « globalisé » intègre les mélanges d’alphabets ou autres codes en usage pour la correspondance numérique. À un niveau morpho-syntaxique et lexical, il tend à s’adapter à un certain processus d’homogénéisation inter-langues en cours, notamment pour les productions langagières diffusées sur la toile. Sur le plan discursif, ce nouveau registre de langue met en mots à l’échelle planétaire les enjeux humains de notre temps, décloisonnant ainsi les débats, auxquels désormais peuvent participer les citoyens du monde.

Introduction :

La langue arabe est une des langues officielles de l’ONU depuis le 18 décembre 1973 aux côtés de l’anglais, du chinois, de l’espagnol, du français et du russe. Au niveau du droit international, ce statut n’est pas anodin car il en découle que les versions arabes des chartes, conventions, déclarations, traités émanant de l’organisation ont une valeur juridique authentique, sur un pied d’égalité avec les autres versions linguistiques (De Saint Robert 2013 : 17 ; Sauron 2009 : 18-19).  

La langue arabe est également la langue officielle de plusieurs institutions régionales, dont la Ligue Arabe (Le Caire, 1945), l’OUA[1] (Organisation de l’Unité Africaine, Addis Abéba, Éthiopie, 1963), l’UA[2] (Union Africaine, Lomé, Togo, 2000, siège : Addis Abéba, Éthiopie), et l’OCI (Organisation de la Coopération Islamique, Dakar, 2008, siège : Djeddah, anciennement Organisation de la Conférence Islamique, Djeddah, 1972)[3].

À l’échelle mondiale, c’est la langue d’environ 320 millions d’habitants répartis dans vingt-six États : les 23 États de la Ligue arabe[4] ainsi que l’Érythrée, Israël et le Tchad, ce qui fait d’elle la troisième langue en nombre de pays qui l’utilisent comme langue officielle (26 pays) après l’anglais (45 pays) et le français (30 pays) (Costantini 2006).

Depuis 2012, l’Unesco célèbre chaque 18 décembre la journée mondiale de la langue arabe. La formulation, pour des besoins communicationnels, est globalisante. Mais en réalité, la langue arabe est plurielle et son statut complexe. Par exemple, les documents produits en arabe par les organisations internationales et régionales répondent à des normes phraséologiques et terminologiques propres aux relations diplomatiques. Et cet état de langue diffère assez fortement de celui qui caractérise les textes littéraires, scientifiques, médiatiques, ou encore les productions langagières liées à la communication courante.

La langue arabe est pluriglossique (Dichy 1994), ou polyglossique (Abidrabbo 2017). Selon les situations de communication et les contextes d’énonciation, les traits morpho-syntaxiques et lexicaux varient : l’arabe dialectal est l’apanage des échanges de la vie quotidienne, tandis que la langue arabe « fuṣḥā » (« la langue la plus claire ») est utilisée dans les cadres institutionnels, officiels et que l’arabe médian – fuṣḥā empreinte de dialecte – est souvent le registre le plus approprié en environnement professionnel et dans les médias. Plus récemment enfin, un registre propre à la communication via les réseaux sociaux et internet en général tend à se développer et possède les caractéristiques d’une cyberlangue (lexique et syntaxe multi-registres et multilingues, passage des caractères arabes aux caractères latins) (Baldino-Putzka et Boutin 2012). À la diversité des communautés d’internautes et des visées discursives correspond une grande diversité des traits distinctifs de ce « cyberarabe ». Au vu du foisonnement communicationnel en arabe via internet, assumé par des locuteurs de tous les pays du monde, pourrait-on parler de l’émergence d’un arabe « globalisé » ?

Comment les locuteurs arabophones, en tant que récepteurs, mais aussi acteurs, créent-ils et s’approprient-ils des codes et normes linguistiques en arabe en interaction avec le processus vivant de mondialisation des échanges ?

Cette question se pose, et est d’autant plus sensible qu’elle met en jeu celle de l’identité. Le grand poète palestinien Mahmoud Darwich énonce dans son poème قافية من أجل المعلقات (Une rime pour les mu‘allaqāt)[5] : أنا لغتي (anā luġatī ) : Je suis ma langue.

Mais quel est le rapport des arabophones d’aujourd’hui avec leur-s langue-s ? Et quel est le statut de cette « luġa » dans le « nouvel ordre mondial » économique, commercial, juridique et politique ? Quelles en sont les conséquences aux niveaux culturel et social ?

1. La pluriglossie historique de la langue arabe

1. 1. Arabe « fuṣḥā » et arabe dialectal

Si à un niveau formel on peut mettre en avant des caractéristiques communes aux variétés de la langue arabe, il n’en reste pas moins que le cadre discursif et le contexte d’énonciation conditionnent des usages spécifiques lexicaux, phonologiques, morpho-syntaxiques et stylistiques. Pourtant c’est « la langue arabe », et non « les langues arabes » que l’on fête le 18 décembre.

Pour Philippe Blanchet, « la langue « naît » parce qu’elle est reconnue « langue » », et « les motivations et arguments effectivement utilisés par les acteurs sociaux et les instances pour identifier un ensemble de pratiques comme une langue distincte ne sont ni strictement ni majoritairement linguistiques. Ni l'intercompréhension, ni la proximité typologique ne l'emportent contre les critères sociopolitiques et/ou ethnoculturels (…) » (2012 : 18).

Nous pourrions appliquer ce point de vue à la « luġa ‘arabiyya », la langue arabe, née dans sa complexité d’une certaine acceptation sociale et culturelle de son caractère pluriglossique, et cela depuis la période antéislamique. Elle est issue des dialectes de la péninsule arabique d’avant l’Islam, s’est développée dans un cadre culturel à la Cour des Lakhmides, utilisée alors comme koïnè poétique dans le royaume de Ḥīra aux 5ème et 6ème siècles de l’ère chrétienne (Toelle et Zakharia 2003 : 53-62 et Paoli 2010 : 90 et suiv.). Elle est devenue la langue du Coran au 7ème siècle (1er siècle de l’ère musulmane) puis une langue de culture et de civilisation, notamment sous les califats omeyyades de Damas (661-750) et Cordoue (756-1031) et sous le califat abbasside de Bagdad (750-1258). Ainsi la « luġa ‘arabiyya» se décline-t-elle depuis ses origines au pluriel. En tant que langue, que « système de signes vocaux et/ou graphiques, conventionnels, utilisé par un groupe d'individus pour l'expression du mental et la communication » (CNRTL[6]), elle se définit par des spécificités liées à son histoire et aux espaces géographiques dans lesquels elle s’est développée. Nous pourrions dire que la langue arabe est « née » pluriglossique.

Pour revenir aux dialectes, leur importance est à la fois quantitative et qualitative. David Cohen distingue 12 groupements dialectaux, divisés d’une part sur des critères sociaux, selon qu’ils sont parlés par des populations nomades ou sédentaires et, d’autre part, selon des zones géographiques spécifiques : parlers de la presqu’île arabique, de Mésopotamie, d’Asie centrale (Boukhara), Proche-Orient, Égypte, Soudan et Tchad, Libye, Tunisie, Algérie, Maroc, Mauritanie, Malte. 

Certains dialectes ont un statut de langue véhiculaire : le maltais, l’arabe de Juba (Sud Soudan) - langue des échanges commerciaux depuis le 19ème siècle, ou encore le ki-nubi, créole arabe de Nubie (Miller 1985 : 29-35, Leonardi 2013 : 356 et suiv.). Ils ont une fonction et un statut privilégiés, puisqu’ils sont les langues de la communication au sein de la famille, des échanges dans l’espace public, commercial, entre amis… Ils réfèrent aux univers familiers, sont pratiqués au quotidien pour des besoins ou des désirs communicationnels de la vie ordinaire. Les locuteurs maîtrisent pleinement leurs usages et leurs règles, au contraire de la « luġa fuṣḥā » – l’arabe standard - circonscrite aux cadres institutionnels (école, administration, instances politiques…) et intellectuels (littérature, philosophie, droit…). Communiquer en arabe dialectal ne suscite aucune crainte de « faire des fautes ».

Aussi le dialecte est-il lié à l’être même du locuteur, car c’est la première forme d’arabe qu’il a appris à parler. C’est la langue de l’enfance, de la communication avec les parents, les proches, de l’expression des sentiments personnels et intimes. 

Toutefois, l’arabe « fuṣḥā » occupe également une place importante dans les pratiques langagières. Ses usages académique, institutionnel, littéraire et liturgique lui confèrent un statut de miroir culturel et identitaire. Le texte coranique est devenu, en tant que texte fondateur d’une religion - l’Islam - un modèle, tant du point de vue des préceptes qu’il contient que du fait de sa portée éthique, civilisationnelle et universelle. Dès le 8ème siècle, le lexique, la syntaxe, les figures de style et de rhétorique employés dans le Coran ont fait l’objet de très nombreuses études par les philologues, grammairiens, lexicologues et exégètes arabes. En somme, des grilles de lecture très précises et approfondies ont été élaborées, qui ont eu pour effet de pérenniser l’état de cette langue et d’en faire une source d’inspiration :

Très significatif, à cet égard, est le déplacement sémantique qu'a subi le terme luġa dans l'histoire de la langue arabe : utilisé à l'origine pour désigner n'importe lequel des dialectes arabes anciens, il passe par une étape où l'une des variétés linguistiques, celle qui se spécialise dans l'expression de la poésie et de la « haute diction », sera distinguée des autres comme étant la luġa fuṣḥā (la langue « la plus claire »), pour finir, après la période de normalisation grammaticale et d'instauration d'un étalon de la langue légitime, par ne plus s'appliquer ès-qualités qu'à cette variété, les autres se voyant dégradées au rang de lahağāt (dialectes). (Kouloughli 2007 : 24)

Cette hiérarchisation décrite par J.E. Kouloughli n’est pourtant pas exclusive : la cohabitation continue des deux registres de langue – arabe fuṣḥā et dialectal  reflète un fait de culture accepté, assumé et socialement intégré. Dans une enquête auprès d’universitaires jordaniens, F. Al-Abed al-Haqq entend montrer le continuum entre le dialecte et l’arabe standard. Selon lui en effet, il est significatif que des personnes éduquées, formées à l’arabe standard à des fins professionnelles et chargées de transmettre du savoir dans ce registre de langue, manifestent un attachement à leur dialecte et, pour les 2/5ème d’entre eux, admettent que les étudiants pourraient apprécier que l’enseignement soit dispensé en arabe dialectal :

While 44.5% felt that students would react negatively to them if they spoke in colloquials (while 40.2% felt they would not react negatively), 80.5% felt they would feel uneasy using colloquials in a lecture. This does not mean that the respondents would abandon the dialects, because linguistic variation in Arabic is a continuum and governed by sociolinguistic factors and domains of use. Certain functions require the use of certain varieties of Arabic. We cannot expect either the Jordanians or other Arabs to stop speaking Standard Arabic, nor can we expect the opposite - a complete abandonment of the use of colloquials - for each is a part of that linguistic continuum, and is used in a variety of different social settings. (1998 : 28-29)

Ce lien qui semble indéfectible entre le dialecte et l’arabe fuṣḥā est admirablement bien exprimé – en français ! – par Abdelfattah Kilito, écrivain marocain de langue française et universitaire, spécialiste de littérature arabe classique, dans son ouvrage Je parle toutes les langues, mais en arabe (2013). L’arabe dialectal et l’arabe standard occupent des sphères distinctes de son quotidien et ne répondent pas aux mêmes besoins de communication. Sur le plan personnel, le rapport qu’il entretient avec ces deux formes d’une même langue  « l’arabe »  mais aussi avec le français, langue du colonisateur, se fonde sur une dichotomie entre l’univers familial et familier d’une part, et l’environnement institutionnel d’autre part :

Jusqu’à l’âge de sept ans, je ne connaissais que l’arabe, et comme je ne me souviens pas de la façon dont je l’ai acquis (qui se rappelle comment il a appris à parler ?), j’ai tendance à croire que cette langue m’est innée. Elle était en accord avec l’univers où j’évoluais, celui de la maison, de la famille, du quartier. Le monde se suffisait alors à lui-même, clos et parfait. Je savais vaguement que des individus appartenant à une religion différente parlaient le français ou l’espagnol.

J’ai étudié le français à cause d’un accident de l’histoire, ou plutôt de la géographie. Si j’étais né au nord du Maroc, j’aurais étudié la langue de Cervantès, et je pense que ma carrière, mon destin, auraient pris un autre cours. Je me suis mis au français parce que je suis venu au monde à Rabat, dans une zone placée sous le protectorat de la France.

Un matin, sans me demander mon avis, mon père m’emmena à l’école. Ce fut un voyage : il fallait sortir de la maison, quitter la médina, aller au-delà des remparts et fouler une terre où je ne m’étais jamais aventuré auparavant, celle de la ville nouvelle (…).

L’arabe classique, que j’étudiai en même temps que le français, était également circonscrit à l’école, au livre. Nous l’apprenions pour le lire et l’écrire, comme le français. En dépit de la proximité entre le dialectal et le classique, il y a un partage des fonctions : le dialectal est destiné aux échanges quotidiens, le classique est lié à la religion, à la politique, à ce qui est noble, officiel, pompeux. Du coup, il fait un peu peur, d’autant qu’il peut facilement se muer en langue de bois. On ne le parle pas ; on a même moins l’occasion de le parler que le français ; on pourrait aller jusqu’à avancer qu’en dehors de certaines circonstances, il est interdit de l’utiliser, sous peine de ridicule : nul ne s’aviserait, par exemple, de s’en servir en faisant ses courses. C’est la langue du sacré, de la déclamation poétique, des discours d’apparat, de la littérature. Pour moi, c’est essentiellement la langue des colloques : discourir, à cette occasion, c’est me métamorphoser ; je sens une mutation s’opérer en moi, je deviens un orateur consterné, un acteur honteux, hésitant et risquant à tout moment de trébucher sur telle ou telle déclinaison. (Kilito 2013 : 13-15)

Cette cohabitation effective entraîne, en pratique, des interférences entre les deux niveaux de langue. Les usages tendent à se superposer, à interagir, suscitant la formation d’un niveau intermédiaire appelé «arabe médian», qui revêt également une importance particulière.

1. 2. L'arabe médian

Le registre médian n’est pas un phénomène nouveau. Des œuvres littéraires aussi monumentales que les 1001 Nuits ou les sīra-s (biographies romancées) de personnages ou tribus célèbres (‘Antar, Banū Hilāl, Baybars…) ont été rédigées dans ce que l’on appelle le moyen arabe. D.E. Kouloughli rappelle la présence de cet état de la langue dès les premiers siècles de l’ère musulmane, à une période où la « grammatisation » était encore en élaboration et non normalisée. Un important corpus de textes commerciaux et administratifs originaires de Syrie et d’Égypte sont « rédigés dans une langue sans doute assez proche de la langue parlée, mais ils comportent aussi de nombreux stéréotypes d'usage bureaucratique » (Kouloughli 2007 : 22).

Aujourd’hui, les pratiques langagières en arabe médian se manifestent principalement dans des productions orales. C’est le registre de langue utilisé notamment lors de débats radiophoniques et télévisés, ce qui signifie qu’il est largement diffusé à travers le monde arabe. Les chaînes satellitaires à vocation internationale, comme la chaîne qatarie al-jazeeera ou la chaîne saoudienne basée à Dubaï al-arabiyya, du fait de leur notoriété et de leur succès en termes d’audit, contribuent à la légitimation de l’emploi de ce niveau de langue. Elles sont le lieu d’une représentation d’un monde arabe tout à la fois moderne et traditionnel, solidaire et émancipé (Dakhli 2015 : 90-91). Ce positionnement idéologique trouve en quelque sorte son expression la plus appropriée dans la communication en arabe médian.

Sans prétendre à l’exhaustivité et à titre indicatif, nous donnerons quelques exemples de ses caractéristiques formelles :

  • Sur le plan syntaxique, les constructions tendent à suivre l’ordre sujet + verbe, comme dans les dialectes. Pour les verbes transitifs à 2 compléments directs, comme les verbes de transmission (أعطى / donner, سلّم / livrer ...), le complément désignant le destinataire est souvent précédé de la préposition لـ  / à, comme en dialectal. De manière générale, ce sont les prépositions utilisées en dialectal qui l’emportent sur les usages académiques (مع / avec, à la place de ب / au moyen de, comme مقارنة مع / en comparaison avec, علاقة مع / en lien avec…). Les flexions casuelles disparaissent, ce qui donne au débit une certaine résonnance dialectale : أنّه / que, prononcé « annoh », plutôt que « annahu ». Le pronom ه renvoie le plus souvent dans cet emploi à un complément indéfini et permet d’éluder la règle du complément de أنّ au cas direct (منصوب) propre à l’arabe standard.
  • Sur le plan lexical, le recours, pour les sujets techniques, à une terminologie empruntée aux langues étrangères est courant : كمبيوتر/« computer », plutôt que حاسوب , سوشيال ميديا /« social media », plutôt que شبكات التواصل الاجتماعي , إنترنت / « internet » plutôt que الشبكة العنكبوتية.

Dans leur ouvrage Être arabe (2005), Farouk Mardam-Bey et Elias Sanbar montrent la dimension identitaire de l’arabe médian. Selon les auteurs, il est le miroir d’une réalité socio-linguistique propre au monde arabe, définie entre autres par les fréquentes commutations entre les différents registres de langue opérées spontanément par les locuteurs :

Malgré les carences douloureuses soulignées dans les rapports de l’ONU, en ce qui concerne l’enseignement ou la production et la circulation des biens culturels, la langue arabe médiane s’est partout imposée et la connaissance qu’ont les Arabes de tel ou tel pays des autres Arabes ne cesse de s’approfondir grâce entre autres aux télévisions satellitaires, regardées chaque jour par près de cinquante millions de personnes. Je sais que cette communauté de consommateurs d’images est atomisée et que le message est souvent démagogique mais il est certain que, par cet intermédiaire, une homogénéisation culturelle – et pourrait-on dire affective est à l’œuvre. (…)

Un nouvel arabisme est en train de naître, différent de celui que nous avons connu, car agissant dans le cadre d’États, de territorialités auparavant rejetées, perçues comme des « fabrications coloniales ». L’idée que la liberté est indissociable des retrouvailles de tous les Arabes dans le cadre d’un grand État unitaire a perdu de son poids.

Le fait que de plus en plus d’Arabes se proclamant tels et fiers de l’être, se disent aussi syriens, libanais, palestiniens, algériens, etc., a transformé le sentiment d’arabité. Il ne l’a pas aboli comme le craignaient les nationalistes arabes, il l’a transformé. (273-275)

La représentation de la langue arabe dans les médias régionaux, mais aussi internationaux ( BBC arabic, CNN arabic, France 24 en arabe, Skynews arabic…) est d’autant plus dynamisée et florissante que les organisations et institutions internationales ou régionales publient sur leurs sites internet un très grand nombre de textes juridiques, politiques, économiques, traduits depuis ou vers l’arabe.

2. L’arabe, langue internationale, instrument diplomatique : exemples de l’ONU et de la Ligue arabe

2. 1. L’arabe, langue officielle à l’ONU

Si l’Assemblée générale des Nations Unies du 18 décembre 1973 a voté en faveur de l’introduction de l’arabe comme langue de travail (Résolution 3190/XVIII), au nom de la reconnaissance par les États membres de son importance pour « préserver et diffuser la civilisation et la culture de l’homme », les dépenses qui devaient en découler ont été à la charge des pays arabes et, en pratique, des pays arabes les plus riches, c’est-à-dire les pays producteurs de pétrole. (Abul Naga 1977 : 1). Au départ, son usage était très restreint, et l’institution ne disposait pas de traducteurs et interprètes compétents, par manque de dispositifs de formation, y compris dans les pays arabes. Avant que les outils de traduction vers l’arabe ne deviennent efficaces et que les traducteurs n’acquièrent les compétences requises, les rapports de l’ONU adressés aux pays arabes membres n’étaient pas traduits, et les réponses des États arabes concernés n’étaient pas non plus rédigées dans cette langue (Ibid). Les membres des délégations arabes ayant repéré des écarts de traduction importants, ils ne faisaient pas confiance aux interprètes (Ibid : 4). Des situations d’incompréhension entre délégués et interprètes pouvaient provenir, du côté des premiers, de l’utilisation de calques par les seconds qui ne référaient pas nécessairement à un signifié connu des locuteurs arabophones et ne s’inscrivaient pas dans leurs pratiques langagières courantes. S. A. Abul Naga cite l’exemple du mot تسهيلات , calqué sur l’anglais « facilities ». D’autre part, du côté des traducteurs, les commutations répétées de l’arabe standard à l’arabe dialectal opérées par les délégués au cours de leurs interventions, ou bien leur recours à des régionalismes constituaient parfois des obstacles.

2. 2. Les exigences des services de traduction de l'ONU

Au fur et à mesure du temps, les services de traduction de l’ONU ont travaillé à une normalisation lexicale et phraséologique, et les représentants des États ont apprivoisé le « jargon onusien ». La terminologie s’est enrichie et les traducteurs de l’ONU utilisent désormais une base de données de référence régulièrement mise à jour : UNTERM[7]. À l’heure actuelle, le recrutement se fait sur concours, très sélectif. Les candidats devront avoir été formés à un très haut niveau, faire preuve d’un grand professionnalisme, et répondre à des exigences spécifiques. L’ONU recrute non seulement des traducteurs et des interprètes, mais aussi des préparateurs de copie, correcteurs d’épreuves, éditeurs pour les publications, ainsi que des rédacteurs de procès-verbaux[8].

On reproduira ci-dessous un exemple des exigences pour chacune de ces spécialités :

Pour produire des traductions cohérentes et techniquement exactes, les traducteurs travaillent exclusivement sur ordinateur, à l’aide du logiciel d’aide à la traduction eLUNa, qui leur permet de comparer instantanément le texte qu’ils ont à traduire avec l’ensemble des documents de l’ONU. Ils consultent également des dictionnaires, des glossaires et des bases de données internes en ligne, font des recherches si nécessaire et consultent leurs collègues et d'autres spécialistes[9].

(…) les correcteurs d’épreuve consultent les éditeurs, les auteurs et des responsables concernés et utilisent dictionnaires électroniques, glossaires et bases de données pour régler les problèmes de fond et de style. Des recherches approfondies sont souvent nécessaires.[10]

Les éditeurs travaillent exclusivement sur ordinateur. Ils corrigent les erreurs factuelles, les problèmes de logique et les fautes d’orthographe et de grammaire, mettent la structure et le style des documents en conformité avec les normes éditoriales et vérifient les références. En étroite concertation avec les auteurs, ils révisent et modifient les textes de manière à ce que ceux-ci respectent les normes et directives de l’Organisation. [11]

Ce souci d’homogénéisation se fonde notamment sur des expectatives juridiques. En tant qu’institution supranationale, l’ONU établit et publie des résolutions, décisions, conventions adoptées par les États membres qui sont traduites dans les six langues de l’ONU, chaque version du document faisant foi. La concordance terminologique est alors déterminante. M.J. De Saint Robert, directrice du service linguistique à l’ONU, explicite la méthodologie traductive de l’ONU, qui répond à des exigences diplomatiques particulières :

Le traducteur doit également être conscient du fait que son texte servira à des locuteurs non natifs de sa langue qui, soit le liront et devront le comprendre, soit auront à le citer ou à le traduire à leur tour ; il doit veiller à ce que le message transcodé soit le plus fidèle possible au texte de départ sans chercher à l’adapter selon les règles stylistiques de sa langue ; il lui faut pour cela redire ce qu’il a compris, avec le vocabulaire et les tournures propres à la spécialité et répandus dans l’usage. (…)

Il n’est pas rare que le traducteur s’écarte de la terminologie officielle d’un pays pour mieux désigner les réalités propres à son institution. (De Saint Robert 2013 : 12).

Les enjeux d’une telle démarche sont en lien avec le souci constant de l’ONU de préserver un certain consensus entre les 193 États membres. Or les questions débattues et sur lesquelles la communauté internationale légifère sont source de désaccords, dus à des intérêts économiques et/ou politiques divergents, ou encore à des visions et des référents culturels et idéologiques différents : droits humains, développement durable, paix dans le monde, aide humanitaire… Ainsi la langue arabe de l’ONU transporte-t-elle également, au-delà d’une terminologie et de caractéristiques syntagmatiques, un certain discours visant lui-même une certaine homogénéisation idéologique.

2. 3. Mises en mots et mises en discours : de l’ONU à la Ligue arabe

Malgré les très nombreuses activités et les travaux de grande envergure des académies des pays arabes, l’obligation d’une certaine homogénéisation inter langues conduit les traducteurs des organisations internationales et régionales à opérer des choix particuliers, comme le font par ailleurs les traducteurs des autres langues de telles institutions. Au niveau phraséologique et notamment dans le cadre de textes juridiques, il est courant que l’ordre des mots soit calqué sur celui des textes sources anglais ou français, de sorte à faciliter le repérage des éléments de droit. Au niveau terminologique, l’emploi de termes connotés culturellement ou idéologiquement est évité : « Les normes d’objectivité et de neutralité qui s’imposent au choix de vocabulaire invitent ainsi le traducteur et le rédacteur de documents de l’ONU à écarter tout terme offensant ou véhiculant des préjugés.» (De Saint Robert 1989 : 580). Certaines dénominations peuvent en effet induire un parti pris susceptible de générer des tensions, désaccords, rejets. Dans le domaine de la technologie, le choix de termes techniques plutôt que d’autres peut constituer une forme de promotion de fabricants ou constructeurs, au détriment des autres, dont les conséquences doivent également être évaluées. (De Saint Robert 2013 : 12-13).

Pour ce qui est de l’ONU, la prédominance de l’anglais comme langue de travail au cours des réunions, conférences, et pour la publication (plus de 90 % des documents reçus sont rédigés dans cette langue), contribue à installer une hiérarchisation implicite des langues, dans laquelle l’anglais donne le ton, ce qui n’est sans doute pas sans exercer une certaine influence sur les productions traduites.

Dans ce contexte, nous proposons de mettre en regard deux textes fondateurs, l’un issu de l’ONU et l’autre émanant de la Ligue arabe. Le premier est la traduction de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH, 1948). Le second est son « pendant régional », rédigé directement en arabe : الميثاق العربي لحقوق الإنسان / La Charte arabe des droits de l’Homme (CADH, Le Caire, 2004). On observe en effet une forme de réappropriation de la langue arabe « onusienne ». Employée au service d’une même cause – la défense des droits humains – certaines variations lexicales et morpho-syntaxiques infèrent des référents culturels et politiques différents.

Les points de convergence peuvent s’expliquer notamment par le fait que la Charte arabe des droits de l’homme de 1994 présentait un ancrage dans un référent juridique musulman qui a suscité des critiques de la part d’organisations nationales et internationales de défense des droits humains[12]. Un projet de révision de la Charte a été mis en place en collaboration avec des experts arabes du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies.[13] Une nouvelle Charte arabe a donc vu le jour, adoptée en 2004, et modifiée selon les attendus de la communauté internationale. Le texte reste donc un compromis entre deux visions : celle des États arabes d’un côté, et celle de l’ONU, chacune nécessairement imprégnée de l’histoire des deux instances (un positionnement fort contre le nazisme à l’issue de la 2nde guerre mondiale pour l’ONU et la lutte contre toute forme de colonialisme et pour la défense des intérêts palestiniens pour la Ligue arabe). Dans le texte révisé de la Charte arabe des droits de l’Homme (2004), les notions-clés de la DUDH sont présentes, mais insérées dans un discours qui répond à des aspirations propres aux pays arabes.

Nous nous intéresserons aux deux préambules, dont la fonction est de poser « les piliers éthico-politiques qui vont déterminer ensuite la rhétorique » (De Jonge 2010 : 11).

Dans les deux textes, les garants des droits énoncés sont des umma-s (أمة / أمم , nation.s), rassemblées sous l’égide de l’organisation émettrice de la déclaration. Dans le texte onusien, la pluralité est mise en avant et permet de renforcer l’idée d’unité. C’est le sens même du syntagme « Nations Unies », dénommée en arabe الأمم المتحدة / al-umam al-muttaḥida. Dans le texte de la Ligue arabe, seule la notion d’unité est exprimée par l’utilisation du singulier : الأمة العربية / al-umma al ‘arabiyya : la Nation arabe, doublée par l’occurrence, dans la même phrase introductive, du syntagme الوطن العربي / al- waṭan al-‘arabī : la Nation arabe , avec l’emploi du mot « waṭan » dans le sens de « nation ».

Sur le plan idéologique, le couple lexical « umma / waṭan » permet d’associer deux perspectives parfois opposées, qui, aujourd’hui encore constituent les pierres angulaires des politiques des pays arabes : le religieux (umma[14]) d’une part, et le nationalisme d’autre part (waṭan[15]). À partir du 19ème siècle, le courant panislamique a utilisé le terme umma en cooccurrence avec l’adjectif « ‘arabiyya » (arabe), comme un appel aux Arabes à se rassembler autour du référent identitaire que peut représenter la notion de « umma ».

Les deux préambules donnent donc à voir l’engagement de personnes morales, investies de droits et de devoirs, mais dans des perspectives divergentes. Si leur probité est marquée dans les deux textes par le nom verbal إيمان / foi, aussi utilisé dans les discours religieux, la ligne éthico-politique découle de contextes historiques différents : le développement social et humain pour l’ONU au lendemain de la deuxième guerre mondiale, l’émancipation et la revivification des traits civilisationnels du monde arabo-musulman pour la Ligue arabe, dans un contexte de dépendance vis-à-vis des pays occidentaux et de l’avenir menacé d’un État palestinien.

Nous présentons ici les premières lignes de chacun des deux textes, en soulignant en caractères gras le lexique commun.

DUDH (Préambule, alinéas 1 et 5) CADH (alinéas 1-5)
لما كان الاعتراف بالكرامة المتأصلة في جميع أعضاء الأسرة البشرية وبحقوقهم المتساوية الثابتة هو أساس الحرية  انطلاقا من ايمان الازمة العربية بكرامة الانسان الذي أعزه الله منذ الخليقة، وبأن الوطن العربي مهد الديانات 
 ولما كانت شعوب الأمم المتحدة قد أكدت في الميثاق من جديد إيمانها بحقوق الانسان في العالم (…)  والعدل والسلام 

وموطن الحظارات ذات القيم الإنسانية السامية التي أكّدت حقّه في حياة كريمة على أسس من الحرية والعدل 

الأساسية وبكرامة الفرد وقدره وبما للرجال والنساء من حقوق متساوية وحزمت أمرها على أن تدفع بالرقي الاجتماعي

والمساواة والتسامح بين البشر، واعتزازا منها بما أرسته عبر تاريخها الطويل من قيم ومبادئ إنسانية(…)

قدمًا وأن ترفع مستوى الحياة في جو من الحرية أفسح.  

Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. (…)

Procédant de la foi de la Nation (umma) arabe dans la dignité de l’être humain que Dieu affectionne et respecte depuis la création de la terre, et du fait que la Nation (waṭan) arabe est le berceau des religions et le lieu de l’émergence
Considérant que dans la Charte les peuples des Nations Unies ont proclamé à des civilisations empreintes de valeurs humaines supérieures qui ont affirmé son 
nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et  droit à une vie digne fondée sur la liberté, la justice et l'égalité, afin de réaliser les 

la valeur de la personne humaine, dansl'égalité des droits des hommes et des 

principes éternels de la religion musulmane vrai (ḥanīf)

femmes, et qu'ils se sont déclarés résolus à favoriser le 

monothéistes (samāwiyya) en matière de fraternité, d’égalité et de tolérance entre 

progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté  les êtres humains (bašar) De sorte à se prévaloir des valeurs et des principes 
plus grande. humains qu’elles ont ancrés au cours de leur longue histoire (…) 
  (trad. Sylvie Chraïbi)

[1] Cf. versions en ligne sur le site de l’ONU : https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/ (version française) ; https://www.un.org/ar/universal-declaration-human-rights/index.html (version arabe).
[2] Version arabe en ligne sur le site de la Ligue arabe : http://www.lasportal.org/ar/humanrights/Committee/Pages/CommitteeCharter.aspx
[3] ḥanīf est un terme coranique souvent corrélé à Ibrahim et qui s’oppose à mušrik (« associateur », c’est-à-dire « polythéiste »). Cf. verset 135 de la sourate « al-baqara » (La vache).
[4] Littéralement : les religions célestes, c’est-à-dire qui se fondent sur l’idée du ciel comme lieu et séjour de la divinité.

Mais en parallèle des discours politiques institutionnels diffusés en arabe standard sur internet, les discours « ordinaires » (au sens de « non spécialisés », cf. travaux du CEDISCOR[20]) issus de la société civile jouent également un rôle important dans le développement d’une langue arabe « globalisée », ou tout au moins d’une langue arabe internationale, vecteur d’informations, d’idées, de connaissances qui circulent à travers le monde. La question des droits humains – droits à la dignité, à la justice, à la liberté  est très largement exprimée, sous forme de revendications, de débats (multiplication des blogs), d’analyses.

Nous pourrions même avancer qu’aujourd’hui, à l’heure de la communication généralisée et mondialisée via internet, les constructions identitaires tendent à s’élargir et à dépasser les frontières du monde arabe. Les locuteurs arabophones se sont largement approprié les modes d’échanges verbaux électroniques. Ils sont des acteurs sociaux sur les différents réseaux internationaux (facebook, instagram, twitter...), intervenant dans les forums de discussion, postant leurs avis ou des messages qu’ils souhaitent partager. Ce foisonnement langagier et discursif entraîne nécessairement des aménagements linguistiques : selon l’identité, la personnalité, le statut des locuteurs et interlocuteurs, selon leurs visées discursives et les rapports qu’ils entretiennent entre eux, les échanges ont lieu en arabe dialectal, médian, fuṣḥā, dans une langue étrangère - le plus souvent en anglais ou en français. Ils ont même lieu parfois dans toutes ces langues à la fois, en fonction du sujet abordé (qui peut nécessiter le recours à une terminologie particulière), du contexte d’énonciation (discussion entre amis, étudiants, militants, échanges fondés sur la transmission de connaissances, d’informations officielles, privées...). Un nouveau registre s’installe, avec ses spécificités morphologiques, lexicales et syntaxiques, ainsi que sa part de créativité, que l’on pourrait appeler le « cyberarabe », ou « l’arabe globalisé ».

3. L’arabe « globalisé » médié par internet : entre homogénéisation et particularisation

3. 1. Une culture arabe du plurilinguisme

Au-delà de la pluriglossie, les sociétés arabes ont évolué dans un contexte plurilingue et la langue arabe, dans ses variétés standard, médiane ou dialectale a intégré tout au long des siècles du lexique issu d’une part des langues des communautés installées sur les territoires conquis par les Arabes au 7ème siècle (araméen, langues berbères, copte, persan, syriaque) et, d’autre part, des langues des occupants non arabes, notamment des Turcs Ottomans à partir du 16ème siècle, puis des Britanniques, Français et Italiens au 19ème siècle. Aujourd’hui dans les pays arabes, les échanges verbaux sont empreints de cette tradition de pluralisme linguistique. À l’école même, dès l’enseignement primaire, les enfants apprennent souvent, conjointement à l’arabe, le français ou l’anglais. Sur le plan lexicologique, de nombreux néologismes, en dialecte comme en arabe littéral, sont forgés à partir des langues étrangères familières par transcription phonétique (روتين / routine, كمبيوتر/ computer) et emprunt, avec adaptation aux schèmes disponibles dans la langue cible (استراتيجية/ « istratijiyya » : stratégie,  دمقرطة/ « damaqrata » : démocratisation). D’autre part, la communication sur le net en arabe sur les réseaux sociaux, les sites multilingues d’associations, les organisations nationales, régionales ou internationales, les organes de presse suscitent la diffusion d’informations et de points de vue à très large échelle. Les visées sont diverses : commerciales, informatives, militantes, éducatives, normatives, divertissantes. On peut repérer toutefois une transversalité au niveau des lexiques utilisés pour nommer des concepts liés aux enjeux sociaux, économiques, politiques ou culturels actuels : développement durable, lutte contre la pauvreté, inégalités, économie participative, performance, biodiversité, pluralisme culturel...

Un des procédés fréquemment utilisés est la transposition sémantique de mots issus de l’arabe standard : أداء (accomplir, pour un devoir : prière, impôt, un acte de vente, un art : exécuter un morceau de musique...) prendra le sens de « performance » ; التمويل التشاركي désigne la notion de « crowdfunding », التنوع البيئي exprime l’idée de biodiversité...

Les artistes, rappeurs, slammeurs, graffeurs, contribuent à relayer ce niveau de langue caractérisé par une pluriglossie élargie et ouverte sur les langues du monde.

 Au Maroc par exemple, le mouvement socio-culturel « nayḍa » participe depuis 2003 de la diffusion d’un discours anti-conservateur et moderne, en arabe marocain. Des groupes de musique « branchés », tel le groupe Hoba Hoba Spirit (rock fusion), nourrissent ce courant en composant des chansons représentatives, à un niveau linguistique, des pratiques langagières de la population, et à un niveau discursif, de leurs préoccupations et difficultés au quotidien : 

 Notre public est assez éclectique, bilingue, de tous milieux sociaux, on trouve des jeunes, des parents plus âgés, des jeunes filles voilées, d’autres non (…) Dans nos textes, on mélange la darija, le français, l’anglais. La fusion, ce mélange de cultures, on est né dedans. On entend que la darija est la langue de la rue, comme si en France on chantait dans la langue de Molière, comme si chez nous on chantait en arabe classique. Quand tu adaptes trop la culture arabe au pays tu es coincé. Il y a des choses que tu ne peux pas exprimer », explique Adil Hanine, batteur du groupe. (Africultures 2009[21])

Nous donnerons ici un exemple en citant un extrait des paroles de la chanson Aourioura du groupe Hoba Hoba Spirit[22], telles qu’elles sont retranscrites sur un clip, disponible sur le web. Il s’agit, sur les plans morpho-syntaxique et lexical, d’un mélange entre le dialectal et le français, et sur le plan graphique, entre les lettres arabes et latines :

Je déteste les habitants du Golfe نكره الخليجي
Je n’ai pas l’accent égyptien  ما عنديش accent  مصري 
Je ne fais pas de clip dans la mer   ما نديرش clip  فالبحر 
Avec les filles qui passent en ralenti ralentiأو دريات كي بالـ 
Je ne me ridiculise pas dans un T-shirt diesel moulé ما نبهدلش عمري فتيشورت diesel moulé
Ou en Ray Ban Gucci أو شي رايبان gucci
Comme un Rayman gaucher بحال شي رايمان كوتشي
Oh, je hais les marques, أو نكره الماركات
Depuis le jour où Joe Strummer est mort ( trad.Sylvie Chraïbi). من نهار joe strummer مات (...)

En Égypte, le street art s’est considérablement développé depuis la révolution de 2011. Les graffitis fleurissent, en arabe dialectal, littéral, en anglais, ou dans les deux voire les trois langues en même temps. Certains commentaires sont même transcrits selon les codes alphabétiques de l’« arabizi » (عربيزي), ou « arabe du tchat » (alphabet latin, avec adoption de graphèmes particuliers pour noter les phonèmes propres à l’arabe, comme le « 3 » pour noter le son « ع »). L’écriture hiéroglyphique est également utilisée (Naguib 2016 : 57). Les messages expriment des contenus contestataires, parfois poétiques, pour protester contre les abus du gouvernement et rendre hommage aux victimes de la répression policière (Seigneurie 2012 : 484, Khatib 2013 : 320-322).

L’introduction de mots anglais ou français écrits en caractères latins dans un texte écrit en arabe est une pratique courante dans les communications virtuelles et s’étend dans la littérature publiée en ligne.

 Des écrivain(e)s publient des textes dans des blogs en adoptant ce style (El-Ariss 2010 : 533). L’anglais notamment fait désormais partie de la culture des jeunes générations et n’est pas perçu comme une langue étrangère. (Ibid : 534). Or ces pratiques deviennent peu à peu, au-delà d’un registre de langue, également un style littéraire. Ainsi l’écrivain égyptien Ahmed Alaïdi (أحمد العايدي) a intégré ce procédé dans son roman أن تكون عباس العبد (Être Abbas al-Abd[23], 2003). Il mêle l’arabe littéral, l’arabe dialectal, l’anglais transcrit en lettres arabes et l’anglais en caractères latins. L’histoire se passe dans un grand centre commercial (مول : mall), symbole des modes de consommation modernes directement inspirés des États-Unis et des modèles économiques néo-libéraux, et met en scène des personnages représentatifs de la jeunesse égyptienne, en quête d’une identité propre, tiraillée entre l’attrait de la mondialisation et les codes de la société locale. « Né en 1974, nourri de cinéma américain et d'Internet, Ahmad Alaidy appartient à la culture électronique. Il a participé à l'élaboration de jeux télévisés, a travaillé comme graphiste et scénariste de bandes dessinées. Son roman en porte les marques » (Solé 2010) :

Arkadia Mall

آركاديا موول

Appelle-moi

كلمني

010-6 40 90 30

010-6 40 90 30

Hilton Ramses Mall

هيلتون رمسيس

Appelle-moi

كلمني

010-6 40 90 30 010-6-40 90 30

Al-world trade center

الورلد تريد سنتر..

Le numéro n’a pas d’autres déclinaisons

ليس للرقم فروع أخرى…

zeero un zeero six quarante quatre-vingt dix trente

زيرو واحد زيرو ستة أربعين تسعين تلاتين
Appelle-moi كلمني
Il y a des choses que j'aimerais commetre de temps en temps. هناك ما أود ارتكابه بين حين وآخر.

3. 2. Expression et adresse au monde du désir d’être et de vivre

La diffusion sur internet d’appels à construire des sociétés arabes plus justes s’est intensifiée depuis une dizaine d’année, notamment depuis les mouvements du « printemps arabe». Par exemple, les slogans des manifestations font le tour de la toile. On remarque que le registre de langue arabe utilisé est mixte (arabe standard, arabe dialectal, arabe médian), souvent accompagné de traductions en anglais, voire en français (dans les pays du Maghreb), afin qu’ils soient compris par les citoyens du monde entier.

 Tout récemment au Liban, où la contestation s’intensifie au fur et à mesure que la crise économique, politique et humaine s’aggrave, les manifestants ont entonné le refrain de la chanson « Je suis le peuple en marche » de Cheikh Imam (1918-1995), qui a été le porte-parole du peuple égyptien et a chanté sa révolte.[27]. Le texte mêle des vers en arabe standard à d’autres en dialectal. Nous citerons ici le début et signalerons les vers en dialectal par un (d), et les vers en arabe standard par un (s) :

Je suis le peuple en marche et connais mon chemin (d) أنا الشعب ماشي وعارف طريقي
Mon combat est mon arme et ma résolution mon ami (s) كفاحي سلاحي وعزمي صديقـي
Je plonge dans la nuit, avec les yeux de l’espoir (s) أخوض الليالي وبعيون أمالي
Je détermine le lieu du matin véritable (s) أحدد مكان الصباح الحقيقي

Les sources d’inspiration pour la mise en mots des revendications sont de grandes figures littéraires ou politiques arabes, comme le poète tunisien nationaliste Abu al-Qasem al-Chabbi (1909-1934), la chanteuse égyptienne Oumm Kalthoum (1904-1975, notamment pour sa chanson en dialectal « li-al-ṣabr hudūd »/la patience a des limites),  les hommes politiques nationalistes Mustafa Kamil (1874-1908), Saad Zaghloul (1860-1927) ou Gamal Abd al-Nasser (1918-1970). (Naguib 2016 : 53-54).

Or ces productions sont elles aussi relayées par internet et partagée par l’immense communauté des internautes. Ainsi le fameux slogan en arabe standard « الشعب يريد إسقاط النظام » / Le peuple veut la chute du régime est directement emprunté à un poème d’al-Chabbi (Naguib 2016 : 66) qui commence ainsi :

Si le peuple veut un jour vivre / Il faut que le destin lui réponde إذا الشّعبُ يَوْمَاً أرَادَ الْحَيَـاةَ/ فــلا بــدّ أن يســتجيب القــدرْ
Il faut que la nuit se dissipe / et que les chaînes soient brisées ولا بُـدَّ لِلَّيـْلِ أنْ يَنْجَلِــي/  وَلا بُدَّ للقَيْدِ أَنْ يَـنْكَسِـر

Les générations actuelles ont de surcroît intégré l’anglais dans leurs modes d’expression et de communication, comme en témoigne cette image extraite du documentaire de Pauline Beugnies, réalisatrice du film documentaire « Rester vivants » (2017), dans lequel elle dresse le portrait de 4 égyptien(ne)s acteur de la révolution de 2011[28].

« Wanted. Recherche avec le peuple » (La formule est écrite en arabe littéral). Source : Centre d'Action Laïque 

Ce phénomène fait état du processus de mondialisation en marche, comme il révèle la volonté des populations arabes de communiquer avec l’extérieur et de faire partie du monde d’aujourd’hui. 

Conclusion :

La langue arabe est, on l’a vu, une langue de travail et de communication au sein des organisations internationales et régionales. Le plurilinguisme propre aux environnements diplomatiques implique un travail incessant de traduction et d’homogénéisation terminologique qui a une influence sur la langue arabe, notamment sur les plans syntagmatique et stylistique. Il émerge d’autre part de cette masse de textes traduits depuis ou vers l’arabe et publiés sur les sites de ces institutions des traits discursifs saillants, ancrés dans le courant actuel de globalisation.

En parallèle, les particularités morpho-syntaxiques, syntagmatiques et lexicales de la langue arabe médiée par internet semblent aussi découler d’une très forte volonté des locuteurs arabophones de débattre et de partager avec les autres citoyens du monde les grands enjeux culturels, économiques, sociaux, politiques.

Une langue arabe ancrée dans la pluralité se construit et se pratique à très large échelle (mélange spontané des registres, des langues, des systèmes graphiques) qui, en réalité, reflète une tendance à une certaine homogénéisation culturelle transnationale.

Pourrions-nous définir ce registre, que j’appellerai « arabe globalisé », comme une forme d’extension de la pluriglossie historique de la langue arabe ?

Références bibliographiques

Sources primaires :

  • Alaïdi, Ahmed ( العايدي، أحمد ) (2003) : an takūna ‘abbās al-‘abd , éd. Dar Merit (دار ميريت), Le Caire, Égypte. Roman disponible en ligne.
  • Beugnies, Pauline (2017): « Rester vivants ». Film documentaire produit par Rayuela Productions, Schaerbeek, Belgique.
  • Chābbī (al-), Abū al-Qāsem (1933) : « irādat al-ḥayāt ». Poème disponible en ligne : https://www.aldiwan.net/poem38947.html
  • Charte Arabe des Droits de l’Homme (Ligue arabe, 2004) : disponible sur le site de la Ligue arabe : http://www.lasportal.org/ar/humanrights/Committee/Pages/CommitteeCharter.aspx
  • Darwich, Mahmoud (1995) : « qāfiya min aǧli al-mu‘allaqāt », in li-māḏā tarakta al-ḥiṣān waḥīdan ? (Pourquoi as-tu laissé le cheval seul ?). Poème disponible en ligne : https://www.aldiwan.net/poem9180.html
  • Déclaration Universelle des Droits de l‘Homme (ONU, 1948) : versions française et arabe disponibles sur le site de l’ONU : : https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/ (version française) ; https://www.un.org/ar/universal-declaration-human-rights/index.html (version arabe).
  • Hoba Hoba Spirit (2005) : Aourioura (Chanson du groupe). URL : https://www.youtube.com/watch?v=3re6DALs0Ts&ab_channel=HobaHobaSpiritLyrics
  • Tahtawi (al-) ; Rifā‘a Rāfi‘ (1801-1873) (1973) : kitāb manāhiǧ al-albāb al-miṣriyya fī mabāhiǧ al-ādāb al-‘aṣriyya (Les chemins des esprits égyptiens vers les joies des humanités modernes), in al-tamaddun wa al-‘imāra wa-al-umrān (la civilisation, la construction et la prospérité), tome 1 des Œuvres complètes, édition critique de Muhammad Amara, éd. Al-mu’assasa al-‘arabiyya li-al-dirāsāt wa al-našr, 1ère édition, Beyrouth, Liban.

 

Sources secondaires :

  • Abidrabbo, Alhassan (2017) : « Didactique de l’arabe et problématique de la polyglossie : approche comparative entre l’arabe littéraire et le dialecte syrien en vue d’améliorer la qualité de l’enseignement de l’arabe, langue étrangère », Les Carnets du Cediscor, 13 | 1, 46-59.
  • Abul Naga, Sayed Attia (1977) : « L'arabe aux Nations Unies », Bulletin d'études orientales, T. 29, Mélanges offerts à Henri Laoust. Vol.1, Institut Français du Proche-Orient, p. 1-6. URL: http://www.jstor.org/stable/41604602
  • Al-Abed Al-Haq, Fawwaz (1998) : « Language attitude and the promotion of standard arabic and arabicization », Al-'Arabiyya, 31, Georgetown University Press, p. 21-37. URL: https://www.jstor.org/stable/43192793
  • Baldino Putzka, Martine, Boutin, Eric (2012) : « La Cyberlangue dans les forums de discussion : étude exploratoire dans le domaine de la télé réalité». Colloque de la SFSIC - Rennes, Jun 2012, France. pp.1-7. ⟨sic_00827718⟩.
  • Blanchet, Philippe (2012) : « L'identification des langues : une question clé pour une politique scientifique et linguistique efficiente », Modèles linguistiques [En ligne], 66 | 2012, mis en ligne le 26 février 2013, consulté le 13 août 2020. URL : http://journals.openedition.org/ml/282 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ml.282
  • Cohen, David : « ARABE (MONDE) - Langue », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 09 août 2020. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/arabe-monde-langue/
  • Costantini, (2006) : L’arabe comme langue internationale aujourd’hui ?, Mémoire de Master 2, Aix en Provence, Université Aix-Marseille 1.
  • Dakhli (2015) : Histoire du Proche-Orient contemporain, La Découverte, Paris.
  • Descamps, Sigfrid (2017) : « Que reste-t-il de la jeunesse égyptienne ? », Laïcité. URL : https://www.laicite.be/magazine-article/que-reste-t-il-de-la-jeunesse-egyptienne-rencontre-avec-pauline-beugnies/
  • Denny, F.M. : “Umma”, in: Encyclopédie de l’Islam. Brill. URL: http://dx.doi.org.ezproxy.univ-paris3.fr/10.1163/9789004206106_eifo_COM_1291
  • De Jonge, Emmanuel (2010) : « La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme comme l’expression d’une vision du monde : une approche topique et génétique », Argumentation et Analyse du Discours [En ligne], 4 | 2010, mis en ligne le 15 avril 2010. URL : http://aad.revues.org/956 https://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1995_num_29_117_1709
  • De Saint Robert, Marie-Josée (2013) : « Le discours spécialisé à l’ONU : chances et défis pour le traducteur », Traduire [En ligne], 228 | 2013, mis en ligne le 01 juin 2015, consulté le 13 juin 2016. URL : http://traduire.revues.org/510.
  • De Saint Robert, M.-J. (1989). « Les industries de la langue et la recherche terminologique à l’ONU ». Meta, 34 (3), 578–585. URL: https://doi.org/10.7202/002544ar.
  • Dichy, Joseph (1994) : « La pluriglossie de l’arabe », Bulletin d'études orientales, T. 46, éd. Institut Francais du Proche-Orient, pp.19-42. URL: https://www.jstor.org/stable/41608375
  • Haarmann, U., “Waṭan”, in: Encyclopédie de l’Islam. Brill. URL : http://dx.doi.org.ezproxy.univ-paris3.fr/10.1163/9789004206106_eifo_SIM_7891
  • Khatib, Lina (2013) : « Street art et révolution égyptienne », Annuaire IEMed de la méditerranée, Barcelone, p.320-322.
  • Kilito, Abdelfattah (2013) : Je parle toutes les langues, mais en arabe, Actes Sud, Arles.
  • Kouloughli, Djamel Eddine (2007 ) : "Moyen arabe et questions connexes", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), novembre 2007. URL: https://cle.ens-lyon.fr/arabe/langue/langue-arabe/moyen-arabe-et-questions-connexes
  • Leonardi, Cherry (2013): « South sudanese arabic and the negotiation of the local state», c. 1840—2011, The Journal of African History, Vol. 54, No. 3, p. 351-372, Cambridge University Press. URL: https://www.jstor.org/stable/43305133
  • Mardam Bey, Farouq, Sanbar, Élias (2005): Être arabe, Sindbad, Actes Sud : Arles.
  • Marot, Christelle (2009): « Maroc : Nayda, un mouvement artistique porteur d’un nouveau souffle », Africultures, les mondes en relation. URL : http://africultures.com/maroc-nayda-un-mouvement-artistique-porteur-dun-nouveau-souffle-8772/ .
  • Miller, Catherine (1985) : « L'arabisation au Sud Soudan; vers quelles perspectives culturelles ? » Langage & société, p. 25-39. URL : https://www.persee.fr/doc/lsoc_0181-4095_1985_num_32_1_2021 .
  • Naguib, Saphinaz-Amal (2016): « Engaged ephemeral art : street art and the Egyptian arab spring », The Journal of transcultural studies, vol.7, n°2, Ruprecht-Karls-Universität Heidelberg (Allemagne), p. 53-88. URN: http://nbn-resolving.de/urn:nbn:de:bsz:16-heiup-ts-235904 .
  • Paoli, Bruno (2010) : « Nouvelle contribution à l’histoire de la métrique arabe : la terminologie primitive, l’analyse statistique et le répertoire des mètres de la poésie ancienne », Bulletin d’études orientales [En ligne], Tome LIX . URL : http://journals.openedition.org/beo/195 .
  • Sauron, Véronique, (2009). « La traduction juridique dans le contexte international ou l’art du compromis », Traduire, 220. Disponible à http://traduire.revues.org/376
  • Seigneurie , Ken (2012): «Discourses of the 2011 Arab Revolutions», Journal of Arabic Literature, Vol. 43, No. 2/3, Arabic Literature, Criticism and Intellectual Thought from the Nahḍah to the Present, Brill, p. 484-509. URL: https://www.jstor.org/stable/41725609/
  • Solé, Robert (2010) : « "Dans la peau de Abbas el- Abd", d'Ahmad Alaidy : en arabe hiéroglyphique », Le Monde (3 juin 2010). URL : https://www.lemonde.fr/livres/article/2010/06/03/dans-la-peau-de-abbas-el-abd-d-ahmad-alaidy_1367021_3260.html .
  • Toelle, Heidi, Zakharia, Katia (2003) : À la découverte de la littérature arabe du VIe siècle à nos jours, Flammarion, Paris.

 

 

[1] Cf. article 29 de la Charte de l’OUA (Addis Abeba, Ethiopie, 1963) : « The working languages of the Organization and all its institutions shall be, if possible African languages, English and French, Arabic and Portuguese. ». Le texte de la Charte est disponible sur le site internet de l’Organisation : https://au.int/en/treaties/oau-charter-addis-ababa-25-may-1963 . Consulté le 26 octobre 2020.

[2] Cf. article 25 de l’Acte constitutif de l’Union africaine (Lomé, Togo, 2000), acte qui remplace la Charte de l’OUA (article 33) : « Les langues de travail de l’Union et de toutes ses institutions sont, si possible, les langues africaines ainsi que l’arabe, l’anglais, le français et le portugais ». Texte disponible sur le site internet de l’Organisation : https://au.int/sites/default/files/treaties/7758-treaty-0021_-_constitutive_act_of_the_african_union_f.pdf . Consulté le 26 octobre 2020.

[3] Cf. article 38 de la Charte de l’OCI (Dakar, Sénégal, 2008) : « Les langues de l’Organisation sont l’arabe, l’anglais et le français. ». Le texte de la Charte est disponible sur le site internet de l’Organisation : https://www.oic-oci.org/upload/documents/charter/fr/oic_charter_2018_fr.pdf . Consulté le 26 octobre 2020.

[4] Algérie, Arabie Saoudite, Bahreïn, Comores, Djibouti, Egypte, Émirats Arabes Unis, Irak, Israël, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Mauritanie, Maroc, Oman, Qatar, Somalie, Soudan, Syrie, Tchad, Territoires Palestiniens, Tunisie, Yémen.

[5] Les mu‘allaqāt sont un recueil très célèbre de poèmes préislamiques.

[12] Al-Midani (2002) : « La Ligue des Etats arabes et les droits de l'homme »: www.aidh.org/Biblio/Txt_Arabe/syst-ligue.htm

[13] Ahmed Mahiou(2004) : « La Charte arabe des droits de l’homme » : http://www.aidh.org/Biblio/Txt_Arabe/HP_Arabe.htm

[14] Le mot أمة / umma est coranique. Il signifie « communauté religieuse », » communauté des croyants », quelle que soit leur religion et, de façon plus centrale, la communauté des musulmans. (Denny, EI, « Umma »).

[15] Le mot waṭan a servi de symbole aux mouvements nationalistes nés au 19ème siècle dans le but d’affranchir les peuples arabes de la tutelle des puissances coloniales européennes (حركة التحرير الوطني / mouvement de libération nationale). R.R. al-Tahtawi (1802-1873) a été l’un des premiers – sinon le premier - à employer le mot « waṭan » au sens de « patrie » (cf. كتاب مناهج الألباب المصرية في مباهج الآداب العصرية / Les chemins des esprits égyptiens vers les joies des humanités modernes : 251-252). Avant cette période, le terme waṭan était « totalement apolitique indiquant simplement le lieu de naissance ou de résidence.(Haarmann, EI, « waṭan »).

[16] Cf. versions en ligne sur le site de l’ONU : https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/ (version française) ; https://www.un.org/ar/universal-declaration-human-rights/index.html (version arabe).

[17] Version arabe en ligne sur le site de la Ligue arabe : http://www.lasportal.org/ar/humanrights/Committee/Pages/CommitteeCharter.aspx

[18] ḥanīf est un terme coranique souvent corrélé à Ibrahim et qui s’oppose à mušrik (« associateur », c’est-à-dire « polythéiste »). Cf. verset 135 de la sourate « al-baqara » (La vache).

[19] Littéralement : les religions célestes, c’est-à-dire qui se fondent sur l’idée du ciel comme lieu et séjour de la divinité.

[20] Centre de recherches sur les discours ordinaires et spécialisés. Ses travaux sont disponibles sur internet : https://journals.openedition.org/cediscor/ 

[21] Cf. l’article sur le site internet : Christelle Marot (20 juillet 2009) : « Maroc : Nayda, un mouvement artistique porteur d’un nouveau souffle », Africultures, les mondes en relation, http://africultures.com/maroc-nayda-un-mouvement-artistique-porteur-dun-nouveau-souffle-8772/ .

[23] Le roman a été traduit en français par Khaled Osman sous le titre Dans la peau de Abbas El-AbdActes Sud (2010).

[24] L’article arabe « al- » a été incorporé au syntagme anglais et, conformément à la syntaxe arabe, est collé au nom qu’il détermine.

[25] Le chiffre 0 est écrit en transcription phonétique de l’anglais, à la place de ṣifr en arabe (dont « zéro » est dérivé). Le nombre 30 est écrit en arabe dialectal (avec la lettre tā’ au lieu de l’interdentale thā’ en arabe littéral). Les autres chiffres et nombres sont en arabe littéral.

[26] Le mot « end » est intercalé dans son équivalent arabe : nihāya.

[28] . Cf. l’article de Sifgrid Descamps (2017) : « Que reste-t-il de la jeunesse égyptienne ? » : https://www.laicite.be/magazine-article/que-reste-t-il-de-la-jeunesse-egyptienne-rencontre-avec-pauline-beugnies/

Pour citer cette ressource :

Sylvie Chraïbi, "L'Arabe globalisé", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), février 2021. Consulté le 29/03/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/arabe/langue/langue-arabe/l-arabe-globalise