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Dévolution minimaliste au pays de Galles : pente glissante vers un Parlement gallois ?

Par Fiona Simpkins : Maître de Conférences - Université de Nice-Sophia Antipolis
Publié par Clifford Armion le 18/01/2010

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Après seulement une douzaine d'années de fonctionnement, l'Assemblée galloise s'apprête à subir de profondes modifications et obtenir davantage de pouvoirs si toutefois le « oui » l'emporte à nouveau lors d'un prochain référendum prévu en 2011 ainsi que le laisse présager une majorité des sondages d'opinion. Il s'agira dès lors de s'interroger ici sur les raisons profondes des bouleversements rapides intervenus dans le processus de dévolution depuis la mise en œuvre de l'Assemblée nationale galloise en 1999.

Introduction

Suite à l'accord One Wales de juin 2007 conclu entre le parti travailliste gallois et Plaid Cymru, partenaires du gouvernement gallois élu en mai 2007, un nouveau projet de référendum sur la dévolution au pays de Galles se profile en 2011. Une majorité de Gallois souhaitent aujourd'hui que leur Assemblée obtienne davantage de pouvoirs, selon les sondages, et que l'Assemblée nationale galloise devienne un Parlement gallois sur le modèle de son homologue écossais. La situation actuelle offre dès lors un contraste saisissant avec le contexte politique du référendum gallois de 1997, lorsque le pays était marqué par de profondes divisions au regard d'un projet de dévolution que l'on peut aisément qualifier de projet « minimaliste » tant le parti travailliste gallois et le parti travailliste parlementaire usèrent de précautions lors de son élaboration. Les politiques menées par quatre gouvernements britanniques conservateurs successifs avaient suscité suffisamment d'enthousiasme chez certains éléments travaillistes au pays de Galles pour y relancer le débat sur la dévolution en dépit de la défaite cuisante du projet du gouvernement Callaghan lors du référendum de 1979 mais le parti demeurait divisé sur le sujet et les éléments les plus sceptiques tempérèrent tant et si bien l'enthousiasme des plus convaincus que le modèle de pouvoirs finalement adopté pour l'Assemblée galloise fut initialement trop étroit pour pouvoir assurer son bon fonctionnement.

Malgré la justesse du vote « oui » au référendum de 1997 et les lourdes limitations qui lui furent imposées lors de sa conception par le parti travailliste, l'Assemblée nationale galloise est parvenue à s'imposer comme la véritable arène politique de la nation galloise. Or, les limites des Government of Wales Act 1998 et 2006 ne sont-elles pas justement à l'origine d'un effet boule de neige particulièrement frappant dans le cas du modèle gallois ? Si la perception d'une domination politique du pays de Galles par des gouvernements conservateurs à Westminster sous Thatcher est parvenue à donner l'impulsion nécessaire à la mise en œuvre d'un projet de dévolution au pays de Galles, la perception continue d'une domination de la nouvelle Assemblée galloise par Westminster n'encourage-t-elle pas à son tour les Gallois à vouloir obtenir davantage de pouvoirs ? L'effet boule de neige de la dévolution au pays de Galles est-il dès lors un héritage thatchérien ?

1. Un héritage thatchérien ?

Après l'échec cuisant du référendum de 1979 sur la dévolution au pays de Galles (rappelons que 79.7% des électeurs s'étaient exprimés défavorablement contre 20,3% de suffrages favorables), le débat sur la dévolution au pays de Galles ne réapparut qu'après la troisième victoire des conservateurs en 1987, lorsque les Gallois votèrent à nouveau majoritairement pour le parti travailliste et que l'idée d'un déficit démocratique devint monnaie courante, comme c'était également le cas en Ecosse. La durée du gouvernement conservateur, son impact sur les industries galloises, et tout particulièrement sur l'industrie minière, les réformes corrosives subies par le gouvernement local et la multiplication de « quangos » non-élus contribuèrent à la fois au sentiment d'un déficit démocratique et au retour de la dévolution sur l'agenda politique travailliste au pays de Galles. Le soutien croissant à la dévolution s'organisa donc dès 1987 au sein de la Campaign for a Welsh Assembly (CWA), qui débuta dans la circonscription de Cardiff Central peu après l'élection et rassembla des membres de différents partis politiques.

Les candidats de l'opposition étant tous favorables à la dévolution dans la circonscription de Cardiff Central, ils décidèrent de se réunir régulièrement dans tout le pays de Galles afin d'y relancer le débat et, dès l'automne 1988, l'organisation pouvait se targuer d'avoir créé des sections dans tout le pays. La CWA débuta donc avec le travailliste Jon Owen Jones, les nationalistes Siân Caiach et Siân Edwards, les libéraux-démocrates Mike German et Frank Leavers, et le communiste Bert Pearce. John Osmond fut nommé secrétaire et Jon Owen Jones président. S'inspirant de la Campaign for a Scottish Assembly, désormais prête à établir une Convention constitutionnelle pour y ébaucher un plan d'assemblée écossaise, la CWA appela les vingt-quatre députés gallois à rejoindre l'organisation. Elle se heurta néanmoins à une hostilité considérable au sein du parti travailliste, encore divisé sur la question malgré la conversion de nombreuses figures clés à sa cause, telles que Neil Kinnock, par exemple, anti-dévolutionniste notoire en 1979 et leader du « Gang des Six » députés travaillistes gallois qui avaient contribué à la mise en échec du projet de dévolution du gouvernement travailliste Callaghan. Seuls treize députés signèrent une motion (Commons Early Day Motion) pour la création d'une assemblée galloise, parmi lesquels se trouvaient Alun Michael, Rhodri Morgan, Martin Jones, Win Griffiths et Ron Davies. Dans une déclaration à la CWA, ce dernier expliqua par ailleurs qu'il avait changé d'opinion au sujet de la dévolution après avoir lu le slogan suivant sur un pont ferroviaire de sa circonscription de Caerphilly : « We voted Labour - we got Thatcher' ».

Toutefois, l'enthousiasme de certains députés travaillistes pour la dévolution ne suffit pas à susciter un mouvement favorable aux réformes constitutionnelles au sein du parti travailliste, d'autant plus que l'hostilité au nationalisme s'y aiguisa plutôt lors d'un duel électoral amer entre Kim Howells et les nationalistes à l'élection partielle de Pontypridd en 1989. Plusieurs facteurs encouragèrent cependant les travaillistes à revoir leurs positions : la création en Angleterre d'un mouvement pro-réformiste, favorable à une Constitution écrite et dénonciateur du non-respect des libertés civiles, dit Charter 88, la publication du Claim of Right for Scotland par la Campaign for a Scottish Assembly et la mise en place d'une Convention constitutionnelle écossaise. Malgré quelques résistances locales, la dévolution retrouva donc sa place sur l'ordre du jour de la Wales Labour Conference de 1990.

L'enthousiasme au sein du parti travailliste gallois demeura tout de même limité lors des élections législatives de 1992 pour lesquelles le parti travailliste s'était engagé à mettre en place des mesures de dévolution une fois élu. Malgré sa nouvelle position vis-à-vis de la dévolution, Neil Kinnock, alors dirigeant du parti travailliste, se montrait prudent, tout comme son secrétaire d'Etat fantôme au pays de Galles (Shadow Secretary of State for Wales), Barry Jones. La quatrième défaite des travaillistes aux élections législatives fut donc l'élément déclencheur d'une réelle prise de conscience au sein du parti travailliste gallois de l'importance de la dévolution. Trois événements contribuèrent à relancer le projet : dans un premier temps, le Wales TUC vota une résolution lors de sa conférence annuelle, appelant à créer une Convention constitutionnelle galloise sur le modèle de son homologue écossaise et publia même un document délimitant la structure de cette Convention ; puis, inquiet de cette initiative et du spectre d'une nouvelle collaboration multipartisane sur un projet de dévolution au pays de Galles, l'exécutif du parti travailliste gallois établit sa propre commission constitutionnelle en juin 1992 (Constitutional Policy Commission), chargée de réexaminer et de remettre à jour la politique travailliste de dévolution au pays de Galles ; enfin, John Smith, nouveau dirigeant du parti travailliste et dévolutionniste convaincu, nomma Ron Davies, pro-dévolutionniste comme lui, secrétaire d'Etat fantôme au pays de Galles.

2. Tensions et divisions au pays de Galles : un terrain peu favorable à la dévolution

Le décès prématuré de John Smith et son remplacement à la tête du parti travailliste par Tony Blair coïncidèrent avec la publication d'un projet de consultation par la commission constitutionnelle du parti, Shaping the Vision, soulevant trois questions principales : la question des pouvoirs de variation de l'impôt de la future assemblée, celle de la législation primaire et, enfin, le choix d'un mode de scrutin. Or, la nomination de Blair à la tête du parti signifia un net recul au regard de l'ampleur du projet de dévolution au pays de Galles. En effet, s'il était impossible de faire marche arrière dans le cas de l'Ecosse, il était encore temps de lever le pied au pays de Galles. Un bras de fer s'engagea entre dévolutionnistes enthousiastes, tels que Ron Davies et Rhodri Morgan, et sceptiques, tels que Kim Howells, Terry Thomas et Wayne David, mais Shaping the Vision finit par être approuvé tel quel à la conférence annuelle du parti travailliste de mai 1995 sans qu'il n'y ait de véritable débat. Le parti rejeta alors l'idée de pouvoirs législatifs primaires : l'avantage était donc clairement aux dévolutionnistes « minimalistes ».

Bien que le rejet de pouvoirs législatifs primaires fut définitif, Tony Blair s'étant converti à l'idée d'un élément de proportionnalité dans le mode de scrutin de l'assemblée, l'exécutif du parti put bientôt commander un nouveau rapport à la commission incluant un élément de proportionnalité et cette dernière proposa enfin de réduire l'assemblée à soixante membres élus grâce au scrutin à membre additionné (Additional Member System). Le projet fut approuvé à l'unanimité à la conférence annuelle du parti travailliste de 1997 : il ne restait plus qu'à convaincre la population galloise.

Or, loin d'être aussi enthousiastes que les Ecossais à la même période, les Gallois demeuraient frileux au regard de la dévolution. En effet, les Gallois étant très divisés quant à leur identité nationale selon qu'ils viennent des régions rurales et galloisantes du Nord ou des régions plus industrialisées, urbaines et anglophones du Sud, les questions identitaires seraient déterminantes pour les résultats du référendum et constitueraient le principal enjeu de la campagne, comme ce fut déjà le cas lors du référendum de 1979. Rappelons que les divisions géographiques et linguistiques des Gallois prirent une place particulière dans le débat de 1979 sur la dévolution comme l'illustra une remarque de Gwen Mostyn Lewis, présidente de la Clwyd No Campaign :

People in South Wales are very charming, but as a crowd they are loud and coarse. We do not want to be governed by Cardiff. The Assembly will be permanently dominated by Labour. It will be a dictatorship  (Western Mail, 23 février 1979).

En effet, les habitants du nord du pays de Galles semblaient pour la plupart convaincus qu'une assemblée galloise serait dominée par des socialistes du sud dont ils n'épousaient pas les idées. Or, la région du nord vota beaucoup pour le parti conservateur aux élections du 3 mai 1979. D'autre part, les habitants du sud, majoritairement anglophones, soupçonnaient quant à eux que l'assemblée serait dominée par une élite linguistique venue du nord, dite crachach. En 1979, les anti-dévolutionnistes purent donc récupérer les arguments des deux parties du pays de Galles dans une campagne opportuniste, visant à aiguiser les craintes du public. Cette « politique de la peur » (politics of fear) fut particulièrement utilisée par Leo Abse au sud où il laissait entendre que si les propositions de dévolution étaient acceptées, l'éducation bilingue deviendrait la norme au pays de Galles et des critères linguistiques seraient appliqués au marché du travail. Malgré tous les efforts de la Wales Assembly Campaign pour faire comprendre au nord que les habitants de cette région pourraient envoyer davantage de députés et être, par conséquent, mieux représentés dans une assemblée galloise, et au sud que Cardiff deviendrait une véritable capitale, les pro-dévolutionnistes ne purent dissiper les craintes des Gallois, exacerbées par la campagne du « non », ou empêcher la campagne de se concentrer sur la théorie de « la pente glissante » vers l'indépendance. Il est d'ailleurs significatif de noter que ce thème fut au cœur de l'unique intervention du Premier ministre Callaghan au pays de Galles en 1979 :

They paint a picture of a Welsh Assembly totally dominated by Welsh speakers. I believe the Assembly by its very composition will put a stop to any such tendency - it isinconceivable that a body representing all parts of Wales should, or could discriminate against the vast majority of the electorate in Wales  (The Guardian, 21 février 1979).

Or, à l'instar de la campagne malheureuse de 1979, les questions identitaires demeurèrent primordiales lors du référendum de 1997. Le tableau ci-dessous indique ainsi un véritable lien entre identification nationale galloise et vote affirmatif au référendum.

On retrouve également un lien entre identification nationale et adhésion à un parti politique au pays de Galles puisque 41% de ceux qui se disent « gallois pas britannique » et 37% de ceux qui se considèrent « plus gallois que britannique » s'avouent sympathisants de Plaid Cymru. Par contraste, les sympathisants des libéraux-démocrates et des travaillistes se retrouvent dans toutes les catégories identitaires avec, néanmoins, une plus grande concentration d'identités galloises chez les sympathisants travaillistes.

Les électeurs nationalistes étaient les plus enclins à voter « oui » au référendum avec le plus fort taux de participation (seulement 23% d'abstentionnistes contre 42% chez les sympathisants travaillistes, 37% chez les sympathisants libéraux-démocrates et 30% chez les sympathisants conservateurs selon la Welsh Referendum Survey de 1997). Les deux tiers des électeurs travaillistes votèrent pour le projet de leur parti mais avec le taux de participation le plus faible. Enfin, la majorité des sympathisants libéraux-démocrates et conservateurs ont voté « non » au référendum avec un faible taux de participation. Ce facteur a joué un rôle important au référendum puisque si ces sympathisants libéraux ou conservateurs s'étaient rendus plus nombreux aux urnes, le résultat du référendum gallois en aurait été changé. En effet, 41% des abstentionnistes au pays de Galles se seraient prononcés en défaveur du projet de dévolution. Finalement, 71% des sympathisants de Plaid Cymru ont déclaré avoir voté « oui » au référendum gallois de 1997 contre 34% de sympathisants travaillistes, 18% de sympathisants libéraux-démocrates et 7% de sympathisants conservateurs.

En conclusion, le facteur de l'identité nationale au pays de Galles fut déterminant à plusieurs niveaux au référendum du 18 septembre 1997 car il influença à la fois l'adhésion à un parti politique, le taux de participation et le vote au référendum. Les résultats régionaux illustrent à leur tour cette hypothèse car on retrouve les pourcentages les plus élevés de votes « oui » dans les régions de Gwynedd et Ceredigion, bastions du parti nationaliste Plaid Cymru, et dans les régions du Carmarthenshire, de la vallée de Rhondda, Neath et Merthyr Tydfil, traditionnellement travaillistes. Les circonscriptions s'étant majoritairement exprimées contre le projet de dévolution lors du référendum sont en outre dans des régions souvent situées à la frontière de l'Angleterre où les identités nationales sont plus britanniques que galloises et où les habitants sont majoritairement anglophones. Elles comprennent du reste plus d'habitants d'origine anglaise. Il s'agit du Flintshire (61,6% de votes « non » et un taux de participation de 41,1% seulement), au nord-est du pays de Galles, ainsi que les circonscriptions de Newport (62,3%), du Monmouthshire (66,9%) ou encore de Vale of Glamorgan (63,1%), toutes situées au sud-est du pays, près de la frontière.

Au vu de ces résultats on constate que onze circonscriptions se sont prononcées favorablement à la dévolution et onze autres circonscriptions défavorablement. Les résultats mitigés du référendum gallois reflètent donc fidèlement les divisions identitaires du pays de Galles et laissent planer un doute quant à la véritable légitimité initiale de l'Assemblée.

3. Un projet minimaliste rapidement remis en cause

Or, ce doute concernait également l'efficacité de la nouvelle Assemblée galloise et son fonctionnement fut contesté par ses propres instances dirigeantes dès sa première année d'existence. Paradoxalement, le minimalisme voulu par les instances dirigeantes du parti travailliste lors de l'élaboration du projet d'Assemblée fut remis en cause dès sa mise en œuvre tandis que croissait la popularité de la dévolution auprès de la population galloise ainsi que l'illustre le sondage suivant :

Que voteriez-vous si un référendum était organisé pour le maintien de l'Assemblée ?

Source: graphique de l'auteur. Résultats d'un sondage NOP/HTV janvier-mars 2000 « If there were a further referendum on the National Assembly for Wales, would you vote  yes to keep the Assembly or no to abolish it? »

Dès juillet 2000, le First Secretary Rhodri Morgan annonça lors d'une séance plénière de l'Assemblée la mise en place au cours de l'année à venir d'une commission d'enquête (dite Assembly Review of Procedures ou Operational Review) sur son fonctionnement. Rhodri Morgan s'efforça cependant de souligner qu'un consensus devrait être trouvé entre les quatre partis représentés à l'Assemblée et que la commission d'enquête s'intégrait strictement dans le cadre du Government of Wales Act de 1998. En aucun cas n'était-elle une remise en cause de celui-ci :

That is, we act within that Act and I am not eager to discuss whether we should amend it [...] I do not want to be a piggy in the middle between Plaid Cymru, who may or may not wish to question the Government of Wales Act, and the Conservative Group, who certainly would not ((Welsh Assembly Record, 12 juillet 2000, p. 25-26)).

Le First Secretary tenait plus à améliorer le fonctionnement quotidien de l'Assemblée dans un premier temps que de s'attaquer aux questions constitutionnelles à long terme comme, par exemple, le développement de compétences législatives primaires pour l'Assemblée. Néanmoins, les débats engendrés par la commission d'enquête quant à son fonctionnement ne manqueraient pas de soulever la question des limitations imposées par le manque de compétences législatives primaires ou de pouvoirs fiscaux. Le Presiding Officer de l'époque, Lord Elis-Thomas, n'avait-il pas lui-même soulevé ce problème lors d'une intervention à l'Institute of Welsh Politics d'Aberystwyth quelques jours auparavant ? Il avait en effet relevé à cette occasion plusieurs paradoxes et dysfonctionnements inhérents au Government of Wales Act de 1998, que nous n'avons pas la place d'évoquer en détail ici, après avoir commencé son discours par une question lourde de sens :

To what extent is the body over which I have the duty of presiding really the National Assembly for Wales? ((Lord Elis-Thomas, National Assembly : A Year in Power ?, discours à l'Institute of Welsh Politics, Aberystwyth, 8 juillet 2000)).

Notons en outre que ce point de vue était également étayé par certaines figures du groupe travailliste à l'Assemblée, tels que l'expert en droit constitutionnel Lord Gwilym Prys Davies et l'ancien secrétaire d'Etat pour le pays de Galles Ron Davies, ainsi que par l'ensemble du groupe nationaliste à l'Assemblée. Dans ce contexte consensuel, travaillistes et libéraux-démocrates n'eurent donc aucun mal à convenir de la création d'une commission d'enquête indépendante sur les pouvoirs de l'Assemblée lors de la formation d'un gouvernement de coalition en octobre 2000. L'accord de coalition entre les libéraux-démocrates et les travaillistes fut, par ailleurs, une première étape vers la transformation de l'Assemblée galloise, initialement conçue comme un organe collégial (corporate body), vers une séparation de la branche exécutive et un modèle de gouvernement plus parlementaire. Notons à ce titre que cette évolution fut symboliquement marquée par les nouveaux titres des secrétaires de Cabinet désormais rebaptisés « ministres ». Mais les développements promis par l'accord de coalition (Partnership Agreement) signé par Rhodri Morgan et Mike German devaient être plus ambitieux et la dernière section du document, Better Government : Putting Wales First, révélait une volonté d'amener l'Assemblée vers un système parlementaire et d'établir une commission d'enquête indépendante sur les pouvoirs de l'Assemblée. Elle viendrait compléter le travail de la commission d'enquête déjà en place mais élargirait ses recherches à d'éventuelles compétences législatives primaires. Il s'agirait de la commission Richard, sur laquelle nous reviendrons plus loin et dont la séance inaugurale n'aurait lieu qu'en septembre 2002, quelques mois après la publication du rapport final de la première commission, dite Operational Review.

Cette dernière fut chargée de rechercher un consensus entre les partis politiques et étudier le fonctionnement de l'Assemblée plutôt que des politiques distinctes ; elle ne devait en outre recommander aucun changement au Government of Wales Act ou toute autre législation dont la responsabilité n'incombait pas à l'Assemblée afin d'émettre des recommandations susceptibles d'être mises en place rapidement. La publication de son rapport final fut quelque peu retardée et le rapport ne parut qu'en février 2002 après que les partis politiques représentés à l'Assemblée aient entamé un dialogue menant à une approche plus consensuelle des modifications à apporter au fonctionnement de l'Assemblée. Si l'ensemble des députés de l'Assemblée étaient conscients que le travail effectué par cette première commission d'enquête n'apporterait pas de bouleversements radicaux mais consistait surtout à préparer le terrain pour la commission d'enquête indépendante que le First Minister ne tarderait pas à nommer, ses conclusions représentaient une première étape vers l'évolution attendue de l'Assemblée. Rappelons que le pays de Galles ne jouit pas d'une Convention constitutionnelle sur le modèle écossais avant la mise en œuvre de son Assemblée, fruit de tractations internes au parti travailliste, et qu'il s'agissait là d'une première ébauche de consensus vers la transformation de l'Assemblée en une véritable arène politique nationale. Ainsi, dans son introduction à la présentation du rapport final de la commission d'enquête lors d'une séance plénière le 14 février 2002, le Deputy Presiding Officer John Marek déclara :

Some Government Ministers say that devolution is an event. It is patently not an event; it is a process, and we are taking another step in that process today by reviewing our procedures. That process will continue through the Modernisation Committee of the House of Commons, chaired by the Lord President of the Council and Leader of the House of Commons, Robin Cook, who has already visited the Assembly and will have further discussions with Assembly Members. Eventually, we will have the Commission on the powers of the National Assembly for Wales, and that will also continue the process ((Welsh Assembly Record, 14 février 2002, p. 55)).

Il identifia ensuite les quatre grandes lignes que suivait le rapport final de la commission: il s'agissait en premier lieu de distinguer plus avant les branches législative et exécutive de l'Assemblée et de rejeter son statut d'organe collégial tel qu'il est défini dans le Government of Wales Act 1998 afin d'apporter plus de transparence au regard du rôle de chacun des acteurs du nouvel espace politique gallois ; puis, il était essentiel de protéger les compétences d'examen des députés de base (« backbenchers ») afin d'équilibrer le rapport de forces entre eux et l'Exécutif ; les compétences des commissions d'examen quant à l'élaboration de projets de loi devaient en outre être renforcées et le rapport recommandait que leurs membres soient secondés par une dizaine d'experts chargés de les conseiller (soit un expert pour chacune des sept commissions d'examen ainsi qu'une équipe de trois experts et un juriste chargés d'examiner les projets de loi issus de Westminster ou du Parlement européen) ; enfin, le rapport comprenait un certain nombre de recommandations visant à influencer de manière plus efficace l'élaboration de législation émanant de Westminster ou de l'Union Européenne. L'ensemble de ces mesures, quoique modeste, représentait néanmoins une nouvelle approche de la politique au pays de Galles et il ressortait des conclusions de cette première commission d'enquête, aux ambitions pourtant limitées, une volonté de s'affranchir et de repousser les limites imposées par le Government Wales Act 1998. L'Assemblée galloise venait ainsi de lancer un premier pavé dans la mare.

4. La commission Richard : une convention constitutionnelle galloise ?

La nomination du président de la commission indépendante, dont la création était prévue par l'accord de coalition entre travaillistes et libéraux-démocrates (Putting Wales First), fut finalement annoncée par le First Minister lors d'une séance plénière à l'Assemblée le 18 avril 2002. Il s'agissait de Lord Richard of Ammanford dont le statut en tant que parlementaire expérimenté et figure politique incontournable ne faisait pas de doute mais sa familiarité avec la scène politique galloise était susceptible d'être remise en cause. Lord Richard était certes né et avait grandi à Betws, Ammanford, mais il s'était longtemps tenu éloigné de la politique galloise au profit de la politique britannique. Ce détachement de la politique galloise fut néanmoins considéré comme un atout par le First Minister Rhodri Morgan : Lord Richard s'était en effet tenu à distance des querelles politiques internes au parti travailliste au regard de la dévolution et il aurait sans doute plus de recul quant à son travail au sein d'une commission d'enquête sur les pouvoirs de l'Assemblée.

Les grandes lignes que devaient suivre les membres de la commission Richard au cours de leur enquête furent définies et approuvées une à une par l'Assemblée en séance plénière le 20 juin 2002. La commission était chargée d'évaluer si les pouvoirs détenus par l'Assemblée étaient suffisants et suffisamment bien définis afin de permettre à l'Assemblée une efficacité optimum en termes d'élaboration de projets législatifs. La commission devait également estimer si les pouvoirs de l'Assemblée étaient suffisamment développés (dans le sens de leur portée et de leur nombre) pour lui permettre de suivre des politiques distinctes lorsque l'agenda politique gallois s'écartait de l'agenda politique britannique. Les mécanismes législatifs du gouvernement britannique concernant le pays de Galles devaient ensuite être examinés afin de mesurer l'étendue de l'influence de l'Assemblée galloise sur les procédures législatives. De plus, il s'agissait de déterminer si la répartition des responsabilités entre l'Assemblée et le gouvernement britannique telle qu'elle était définie par le Government of Wales Act 1998 imposait ou non des contraintes inutiles sur le travail des fonctionnaires de Whitehall, soit sur des questions décentralisées vers l'Assemblée, soit sur des domaines réservés à Westminster. Enfin, la commission Richard devait déterminer si le nombre de députés était adapté, en fonction de la charge de travail hebdomadaire de l'Assemblée, si le degré de proportionnalité du système électoral permettait une véritable représentation de l'ensemble des Gallois et, enfin, si des amendements au système électoral en vigueur ou au nombre de députés élus étaient souhaitables.

La réaction du parti travailliste à la publication du rapport de la commission Richard le 31 mars 2004 fut à l'image de l'attitude qu'il avait adoptée tout au long de l'enquête : l'enthousiasme du groupe travailliste gallois à l'Assemblée et des membres du Cabinet ministériel gallois était tempéré par le discours plus sceptique de certains éléments au sein du groupe parlementaire travailliste à Westminster. Ainsi, tandis que le First Minister gallois se félicitait de la publication du rapport de la commission Richard dont l'unanimité reflétait selon lui « la maturation de la société civile galloise » ((Welsh Assembly Record, 31 mars 2004, p. 36)) et constituait « un jour à marquer d'une pierre blanche pour le pays de Galles » ((Kirsty Buchanan, Labour and Tory MPs demand referendum, Western Mail, 1er avril 2004)), le secrétaire d'Etat pour le pays de Galles, Peter Hain, rappelait que si le rapport apportait certaines pistes de réflexion, ses recommandations devraient être validées par les gouvernements à Cardiff et à Westminster. Ses propos furent repris par la majorité des députés travaillistes et conservateurs à Westminster qui demandèrent immédiatement l'organisation d'un référendum sur les recommandations de la commission Richard.

Paradoxalement, les représentants des quatre partis politiques représentés dans la commission Richard étaient quant à eux parvenus à se mettre d'accord et se déclarer unanimement favorables à ce que l'Assemblée soit dotée de compétences législatives primaires et que le nombre de ses députés soit augmenté au nombre de quatre-vingts, élus au scrutin uninominal préférentiel avec report de voix. Lord Richard lui-même ne dissimula pas sa surprise:

I didn't expect that the political representatives would be able to come to an agreed understanding. The reason they did was because they looked at the evidence ((Lord Richard of Ammanford, « Responding to Richard » Conference, Institute of Welsh Affairs, Cardiff, 23 avril 2004)).

L'ensemble des témoignages recueillis et des problèmes constatés par les membres de la commission Richard tout au long de leur enquête indiquait en effet que l'Assemblée devait obtenir davantage de pouvoirs. Le rapport de la commission recommandait en premier lieu que l'Assemblée galloise devienne une assemblée législative et puisse légiférer elle-même dans les domaines qui lui furent transférés en 1999. L'Assemblée cesserait d'être un organe collégial mais jouirait désormais de branches exécutive et législative distinctes. Les signataires du rapport prévoyaient qu'un nouveau Government of Wales Act serait entériné à Westminster à temps pour qu'une Assemblée galloise aux pouvoirs renforcés soit élue en mai 2011. Jusqu'à cette date de nouveaux pouvoirs seraient transférés à l'Assemblée dans le cadre du Government of Wales Act de 1998 afin de lui permettre un maximum de flexibilité quant à l'exercice de ses compétences législatives secondaires. Le rapport de la commission Richard préconisait également une augmentation du nombre de députés, dont le nombre devait atteindre quatre-vingts. Ils seraient élus au scrutin uninominal préférentiel avec report de voix car le système prévu par le Government of Wales Act 1998 ne permettait pas une telle augmentation. Les membres de la commission Richard notaient également que le budget de l'Assemblée subirait une augmentation moyenne de dix millions de livres sterling par an en raison de l'augmentation du nombre de ses députés. Ils suggéraient en outre que l'octroi de pouvoirs fiscaux était souhaitable mais qu'il n'était pas indispensable. Enfin, l'examen de législation primaire plutôt que secondaire nécessiterait certains aménagements du fonctionnement de l'Assemblée, tout particulièrement au niveau des commissions d'examen dont le rôle devait être mieux défini.

Lord Richard, entouré de ses neuf collaborateurs, se défendit de penser que leurs conclusions découlaient de dysfonctionnements inhérents au système établi par le Government of Wales Act 1998. Il déclara ainsi le 31 mars 2004, lors de la première conférence de presse de la commission Richard au St David's Hall de Cardiff :

The surprising thing - and I want to emphasise this - is that we didn't reach this conclusion because the present system is not working. Almost the opposite in fact. It is precisely the success of the Assembly and the Welsh Assembly Government in establishing itself as the government of Wales in the key public policy areas that creates the pressure for change. We examined in detail the dynamics of the present situation and found that the Assembly is increasingly setting the legislative agenda for Wales in devolved areas and negotiating with Whitehall and Westminster for the legislation it needs. Since this is already happening and likely to happen increasingly in future, it seemed to us that the most efficient and straightforward process would be for the Assembly itself to pass this legislation in Cardiff ((Discours de Lord Richard lors de la conférence de presse de St David's Hall, Cardiff, le 31 mars 2004)).

Ce commentaire suggère que plus l'Assemblée galloise prend le contrôle de son propre fonctionnement et de ses prérogatives, plus ses membres souhaitent repousser ses limites afin d'améliorer plus encore la qualité de son travail et des services qu'elle offre à la population galloise. Les conflits d'intérêt opposant les nouvelles institutions à Westminster et le contrôle que ce dernier souhaite parfois leur imposer, ainsi que les restrictions inhérentes au Government of Wales Act de 1998 ont en outre soulevé de nombreuses critiques et poussé ses détracteurs à réclamer davantage de pouvoirs. Dans un cas comme dans l'autre la dévolution entraînerait dès lors un effet boule de neige. Enfin, rappelons que le projet d'Assemblée approuvé de justesse lors du référendum de 1997 était le fruit de rudes tractations internes au parti travailliste tandis que le travail de la commission Richard s'apparentait en revanche davantage à celui d'une convention constitutionnelle sur le modèle de la Convention constitutionnelle écossaise. Le caractère consultatif de la commission Richard a contribué à créer un véritable débat national sur l'avenir politique et constitutionnel du pays de Galles. Ce débat n'avait pu avoir lieu en 1997 en raison, entre autres, de l'absence de consensus entre les partis politiques, les tensions internes au parti travailliste et, sans doute, les divisions identitaires galloises. Contrairement au Scotland Act 1998, le contenu du Government of Wales Act 1998 ne représentait pas le fruit d'une réflexion commune aux partis politiques mais aussi aux églises, au milieu des affaires, aux organisations bénévoles ou culturelles, aux syndicats, aux divers groupes d'intérêts et autres lobbies. En consultant le plus largement possible les organismes représentatifs de la société galloise, la commission Richard a su enfin stimuler un débat jusqu'alors inexistant sur la dévolution au pays de Galles.

5. Le Government of Wales Act 2006 : vers un Parlement gallois ?

Un livre blanc répondant aux recommandations de la commission Richard, Better Government for Wales, fut publié le 15 juin 2005, un mois seulement après la victoire du parti travailliste aux élections législatives britanniques. Le livre blanc reprenait pour l'essentiel le contenu d'un premier document du même titre publié par le parti travailliste en août 2004 et unanimement approuvé par ses membres le 13 septembre 2004, lors d'une conférence spéciale à Cardiff ((Welsh Labour Party, Better Government for Wales, août 2004)). Les deux documents firent néanmoins l'objet de controverses à l'Assemblée galloise dès leur parution.

Certaines des propositions principales de la commission Richard avaient en effet été rejetées. Ce fut notamment le cas de la taille de l'Assemblée et de son mode de scrutin. Le gouvernement écarta la proposition de la commission Richard, favorable à une Assemblée composée de quatre-vingts députés élus au scrutin uninominal préférentiel avec report de voix, et préféra conserver le système électoral en vigueur pour une Assemblée de soixante membres seulement en dépit d'une surcharge de travail déjà avérée.

Le livre blanc représentait pour beaucoup une formalisation des procédures visant à séparer les branches législative et exécutive de l'Assemblée, mises en place dès la première législature. En ce sens, le livre blanc put satisfaire les recommandations de la commission Richard et de l'ensemble des députés à l'Assemblée. Better Governance for Wales exposa en effet dans une première partie la nécessité d'un changement qui avait partiellement eu lieu en pratique. Cette décision permettait de clarifier le rôle de chacun au sein de l'Assemblée et pour le grand public et prévenait sans doute certains des dysfonctionnements internes à l'Assemblée. Une telle séparation des pouvoirs permettait également une révision des Standing Orders de l'Assemblée et la rapprochait du modèle écossais ; un modèle dont le gouvernement s'éloignera toutefois au regard de ses propositions sur les compétences législatives potentielles de l'Assemblée galloise.

Le livre blanc proposera en effet trois étapes distinctes d'un transfert de pouvoirs à l'Assemblée galloise, dont la dernière serait soumise à référendum en 2011, avant les élections à la quatrième session de l'Assemblée galloise. Ces trois étapes seront reprises dans la troisième partie du Government of Wales Act de 2006. La première implique le développement du pouvoir réglementaire que possède déjà l'Assemblée (framework legislation). Ses décisions seront ensuite intégrées à des textes de lois entérinés par Westminster. Il s'agit là d'une des propositions émises par Plaid Cymru à la commission Richard et que l'on retrouve dans son rapport. Cette mesure put être mise en œuvre immédiatement car elle reposait sur un système préexistant. Sa mise en application fut définie plus précisément dans la version révisée de la Devolution Guidance Note 9 ((Post-Devolution Primary Legislation Affecting Wales, Devolution Guidance Note 9, Department of Constitutional Affairs, novembre 2005)) publiée par le département des affaires constitutionnelles (Department of Constitutional Affairs) en novembre 2005 et établissant que l'Assemblée devait avoir le pouvoir d'agir selon sa volonté dans le cadre de tout projet de loi relevant d'un domaine transféré. Elle fut notamment utilisée dans le cas du NHS Redress Act 2006, le Education and Inspections Act 2006 et le Commissioner for Older People (Wales) Act 2006.

La seconde phase du processus menant à l'octroi de pouvoirs législatifs à l'Assemblée sera mise en œuvre à partir des élections à l'Assemblée de mai 2007 et proposera deux nouveaux types de pouvoirs législatifs. D'une part, l'Assemblée pourra demander l'accord du Parlement de Westminster pour un transfert de pouvoirs dans le cadre de ses Standing Orders par un mécanisme dit « ordres du conseil » (Orders in Council), plus communément nommé LCO (Legislative Competence Orders). Le Parlement de Westminster lui accordera ou non au cas par cas des pouvoirs supplémentaires précis par le biais d'un LCO. Notons que cela se rapproche des recommandations du parti conservateur gallois à la commission Richard puisqu'il s'était exprimé favorablement à un transfert de pouvoirs au cas par cas. D'autre part, l'Assemblée aura la possibilité de prendre des « mesures » (Assembly Measures) dans le cadre strict du pouvoir qui lui a été accordé par un LCO. L'Assemblée n'aura pas à obtenir l'accord du Parlement de Westminster avant de prendre de telles « mesures » et elles ne seront pas sujettes à débat au Parlement (article 95 du Government of Wales Act 2006). L'Assemblée pourra ainsi entériner une législation galloise différente de la législation anglaise et pourra dès lors apporter des amendements, ajouter des provisions particulières ou même abroger un acte parlementaire au regard de son application au pays de Galles. Ces mesures pourront également accorder de nouveaux pouvoirs à l'Exécutif gallois. Dans ce cas, l'Assemblée pourra obliger l'Exécutif à lui demander son accord.

Le livre blanc voulut illustrer ce mécanisme en donnant pour exemple un LCO accordant à l'Assemblée tous pouvoirs concernant la santé et la protection sociale des enfants au pays de Galles ((Wales Office, Better Governance for Wales, juin 2005, chapitre 3 article 18, alinéa b, p. 23)). Le livre blanc précisera qu'à l'exception des domaines réservés à Westminster, l'Assemblée pourrait abroger tout acte parlementaire ayant trait à cette question et elle serait libre d'entériner des textes législatifs distinctement gallois grâce à des « mesures » qui viendraient remplacer les actes parlementaires votés à Westminster. Le pays de Galles jouirait alors d'une législation qui lui serait propre, et cela dans la vingtaine de domaines étant potentiellement transférables par le biais d'un LCO et dont la liste apparaît dans l'Annexe 5 du Government of Wales Act 2006. Il s'agit des domaines suivants : l'agriculture, la pisciculture, les forêts et le développement rural ; les monuments et sites historiques ; la culture ; le développement économique ; l'environnement ; les services d'urgence et la protection contre les incendies ; les produits alimentaires ; le logement ; les transports et les réseaux autoroutiers ; la protection sociale ; les services administratifs ; l'urbanisme ; les loisirs et les sports ; le tourisme ; l'eau et la protection contre les inondations ; la langue galloise ; l'Assemblée galloise ; les services de santé ou encore l'éducation et la formation continue. Notons qu'il existe un certain nombre de provisions précises pour chacun de ces trois derniers domaines en raison de l'adoption par le gouvernement travailliste du mode de « pouvoirs transférés » sur lequel nous reviendrons plus loin.

Enfin, la troisième phase du processus menant à l'acquisition de nouveaux pouvoirs par l'Assemblée correspond aux recommandations de la commission Richard en ce qu'elle prévoit de lui octroyer des compétences législatives primaires. En ce sens, l'Assemblée galloise s'alignerait sur un modèle proche de celui du Parlement écossais ou de l'Assemblée nord-irlandaise. Elle aurait compétence à élaborer des projets de loi, en débattre puis entériner des « actes » similaires aux actes parlementaires. Néanmoins, il subsisterait quelques différences fondamentales entre le modèle écossais et la nouvelle arène politique galloise. En effet, le modèle prévu pour le pays de Galles se rapproche plus du Scotland Act de 1978 que de celui de 1998 dans le sens où il fut décidé d'adopter un modèle de « pouvoirs transférés » plutôt qu'un modèle de « pouvoirs retenus ». Ce choix découle pour une large part des difficultés à transférer des pouvoirs dans de vastes domaines tout en retenant un système juridique unique pour l'Angleterre et le pays de Galles. Par conséquent, même après avoir atteint la dernière phase de transferts de pouvoirs prévue par le Government of Wales Act de 2006, le pays de Galles demeurera étroitement lié à Westminster car le Parlement britannique conservera le pouvoir de légiférer pour le pays de Galles (article 107, alinéa 5). Notons que le livre blanc de 2005 avait déjà affirmé la volonté du gouvernement de conserver un rôle important pour Westminster qui pourrait continuer de légiférer pour le pays de Galles dans des domaines transférés grâce à l'utilisation de motions Sewel. Les motions Sewel ont en effet été généreusement utilisées en Ecosse (trente-neuf motions lors de la première session du Parlement entre 1999 et 2003 et trente-sept lors de la seconde session du Parlement entre 2003 et 2007) indiquant de ce fait la domination continue de la politique du gouvernement britannique sur les politiques menées à Cardiff et Edimbourg.

A radical change of this type would not necessarily mean that the Assembly would become the principal law maker for Wales ((Ibid. chapitre 3 article 28, p. 26)).

Or, la phase deux du Government of Wales Act 2006, engagée depuis 2007, est loin d'être un succès en ce qu'elle ralentit considérablement le travail de l'Assemblée - une part importante du travail de l'Assemblée est désormais consacré à l'élaboration des LCO - et en ce que certains LCO finissent par s'embourber dans le processus parlementaire de Westminster, tel que le Environmental Protection and Waste Management LCO qui, après deux ans de procédure parlementaire à Westminster en ressortit considérablement amendé. Seuls huit LCO sur quatorze avaient obtenu le sceau royal début 2010. Gageons toutefois que les Gallois sauront trouver les moyens de s'affranchir de Westminster comme ils ont su le faire depuis la création d'une Assemblée galloise en 1999. Une nouvelle étape sera sans doute franchie en 2011 au cours d'un référendum organisé par le gouvernement de coalition entre travaillistes et nationalistes gallois au regard de l'obtention de pouvoirs législatifs primaires. En effet, à l'issue des élections législatives de mai 2007, un accord de coalition fut trouvé entre travaillistes et nationalistes, pourtant rivaux de longue date, adoptant le  principe d'organiser un référendum sur l'avenir constitutionnel du pays de Galles et publié sous un titre conciliateur : One Wales ((One Wales, A progressive agenda for the government of Wales, An agreement between the Labour and Plaid Cymru Groups in the National Assembly, 27 juin 2007.)).

Du reste, les sondages suggèrent une forte progression d'opinions favorables à un Parlement gallois. En effet, cette option rassemblait 42,2% des Gallois en février 2009, 43,8% en 2007 contre 19,6% en 1997. Il s'agit aujourd'hui de l'option constitutionnelle la plus populaire au pays de Galles et sa progression permettra sans doute à l'Assemblée d'obtenir les pouvoirs législatifs primaires prévus dans le cadre de l'ultime phase de la mise en œuvre du Government of Wales Act 2006. Contrairement aux résultats médiocres obtenus par la campagne pro-dévolutionniste de 1997, les partisans d'une Assemblée galloise dotée de pouvoirs comparables à ceux du Parlement écossais ont bon espoir d'obtenir de bons résultats si toutefois un référendum est organisé en 2011. La nouvelle Assemblée galloise jouirait d'une popularité et d'une légitimité plus grande que celle qui vit le jour en 1999. Précisons en outre que le nombre de personnes favorables à une Assemblée demeure stable mais l'on constate, en revanche, que le nombre de personnes opposées à une institution politique galloise élue a considérablement chuté. Si 39,5% des Gallois se déclaraient opposés à la création d'une institution politique galloise en 1997, ils n'étaient plus que 16,5% à s'y opposer dix ans plus tard et 8,1% en février 2009 selon un sondage ICM/CANS. Malgré le minimalisme du projet de dévolution au pays de Galles et son manque de popularité initial auprès de la population, l'Assemblée galloise est parvenue à s'imposer et s'affranchir petit à petit des limites qui lui furent imposées. Elle est en passe de devenir une véritable Assemblée nationale galloise.

Source : Graphique de l'auteur. ESRC pour Institute of Welsh Politics & National Centre for Social Research ainsi que ICM/CANS Survey pour les résultats de février 2009.

L'Assemblée galloise a désormais acquis une véritable légitimité auprès de la population. Les perspectives d'avenir de l'Assemblée galloise sont d'autant plus optimistes qu'il existe un écart considérable entre la perception qu'ont les Gallois de l'influence politique qu'exerce l'Assemblée galloise et le niveau d'influence qu'ils souhaiteraient qu'elle exerce. En 2007, 35,6% des personnes interrogées pensaient que l'Assemblée galloise avait le plus d'influence sur la façon dont le pays de Galles était gouverné tandis que 53,2% d'entre eux pensaient que le gouvernement britannique exerçait encore davantage d'influence. Toutefois, 74,3% des sondés souhaitaient que l'Assemblée galloise exerce le plus d'influence sur le gouvernement du pays de Galles tandis que 17,7% seulement souhaitaient que cette influence soit exercée par le gouvernement britannique. La progression du nombre de personnes souhaitant que l'Assemblée exerce davantage de pouvoir au pays de Galles entre 2001 et 2007 (+18,1%) correspond en outre à une baisse du nombre de personnes plus favorables au pouvoir exercé par le gouvernement britannique ou les collectivités locales.

Il paraît peu probable que l'efficacité des nouvelles institutions politiques galloise et écossaise ait encouragé les Gallois et les Ecossais à réclamer davantage de pouvoirs pour Cardiff et Holyrood car le bilan de dix années de dévolution est plutôt mitigé. Les avis sont très partagés au pays de Galles. En 2005, la majorité des Gallois pensaient que l'Assemblée n'avait eu aucun impact sur leur qualité de vie (55,2%), 26,1% d'entre eux considéraient qu'elle avait eu un impact positif et 18,8% qu'elle avait eu un impact négatif. La part des sondés considérant que l'Assemblée a eu un impact positif sur la qualité de vie au pays de Galles a en outre baissé depuis 1997, lorsqu'elle atteignait 31%.

Bien que le bilan de la nouvelle arène politique du pays de Galles soit mitigé, une large majorité de la population galloise la considère plus à même de défendre ses intérêts que le gouvernement britannique à Westminster. En effet, en 2003, 67,6% des Gallois assuraient avoir confiance en leur Assemblée la plupart du temps (soit une progression de 4,3% entre 2001 et 2003) contre 23,1% de sondés qui affirmaient de même à propos du gouvernement britannique. Tandis que 6% des sondés seulement déclaraient ne presque jamais avoir confiance en l'Assemblée, 19% d'entre eux exprimèrent le même sentiment au regard de Westminster.

Par conséquent, l'Assemblée galloise est considérée plus proche des intérêts et des aspirations de la société galloise que ne l'est Westminster. En raison des matières réservées pour laquelle elle n'est pas responsable, elle a un agenda politique différent, plus proche des questions politiques que la majorité des électeurs considère comme des priorités électorales, comme les questions de santé ou d'éducation, par exemple. Les enjeux des élections législatives galloises sont alors modifiés, ainsi que l'orientation des manifestes électoraux publiés par les divers partis politiques. Dès lors, les électeurs peuvent adopter un comportement électoral différent selon qu'ils votent dans le cadre d'élections législatives britanniques ou galloises, marquant ainsi la singularité de la nouvelle arène politique galloise. Néanmoins, les sondages suggèrent qu'il persiste une perception de déséquilibre entre les pouvoirs de Westminster et de l'Assemblée, même après la mise en œuvre de la phase deux du Government of Wales Act 2006. Or, la perception de ce décalage coïncide avec une montée en puissance des scores électoraux du parti nationaliste gallois, Plaid Cymru, et des revendications pour l'obtention de pouvoirs législatifs par un Parlement gallois, qui viendrait remplacer l'Assemblée actuelle, semblable au Parlement écossais de Holyrood. Or, de la même façon, les politiques des gouvernements conservateurs de Margaret Thatcher et John Major eurent pour effet l'émergence de l'idée d'un déficit démocratique et le retour de la dévolution sur l'agenda politique du parti travailliste. Le minimalisme adopté lors de l'élaboration des Government of Wales Act 1998 et 2006 aura finalement permis la continuation de cette idée de déficit démocratique, héritage tenace de l'ère Thatcher. 

 

Cette ressource a été publiée dans le cadre du colloque franco-britannique "The Thatcher Legacy 1979-2009", organisé par l'université de Lyon 2 et l'université de Sterling les 4 et 5 décembre 2009.

 

Pour citer cette ressource :

Fiona Simpkins, "Dévolution minimaliste au pays de Galles : pente glissante vers un Parlement gallois ?", La Clé des Langues [en ligne], Lyon, ENS de LYON/DGESCO (ISSN 2107-7029), janvier 2010. Consulté le 18/04/2024. URL: https://cle.ens-lyon.fr/anglais/civilisation/domaine-britannique/l-heritage-thatcherien/devolution-minimaliste-au-pays-de-galles-pente-glissante-vers-un-parlement-gallois-